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...la réalité me rattrapait : trouver un champ d’étude, chercher du travail, rencontrer idéalement un amoureux, acheter une maison, avoir des enfants. Ce qui a l’air tout tracé pour la plupart des gens m’apparaissait comme une cage.
...la réalité me rattrapait : trouver un champ d’étude, chercher du travail, rencontrer idéalement un amoureux, acheter une maison, avoir des enfants. Ce qui a l’air tout tracé pour la plupart des gens m’apparaissait comme une cage.
On sonne à la porte. Je suis dans ma chambre, à entasser mes bibelots dans des boîtes. Je suis en train de me créer une chambre épurée, minimaliste. Ma mère m’appelle […]
Quand j’étais enfant, nous n’allions pas souvent à Montréal, sauf pour visiter ma marraine sur le Plateau, faire les courses au Marché Jean-Talon, ou acheter des bagels. Quand je vois mon père tourner ce soir sur St-Viateur, je sais exactement où il veut arrêter.
Tu as fait fondre les glaciers que je trouvais beaux et même à 6000 kilomètres j’ai froid et même si je ne suis jamais allée en Islande tu meurs quand même et j’ai maintenant peur d’y aller parce que je ne sais pas si c’est héréditaire, si on peut mourir juste parce qu’on y pense ou qu’on y a déjà pensé ou qu’on a eu les mêmes idées toi et moi.
Enfants, on nous a dit que nous avions très peu de chance de terminer notre secondaire parce que les chiffres prédisaient notre échec. Donc, pour prévenir les décrochages, des mesures d’accommodement ont été prises : examens facilités, nivelage vers le bas, aucun travail à faire à la maison. Et nous avons tout de même échoué. Qui peut se battre contre les chiffres.
Elle avait l’écoute facile. Le jugement absent. J’avais la parole continue. Nos rêves de gamines en commun. Elle n’avait jamais peur dans la forêt, même en pleine nuit. J’avais la certitude qu’elle me protégerait des ours parce qu’elle était la fille du pasteur et que ses prières seraient exaucées, contrairement aux miennes, moi fille de personne.
Désormais, chaque fois que je consulterai les aiguilles, il sera trois heures quinze du matin. Il dormira à mes côtés, mais je ne pourrai pas le toucher. Le temps venu, je remettrai la pile en place pour réentendre le tic-tac qui couvre le silence absolu et les secondes défileront, de nouveau intangibles.
Ta mère insistait pour que tu te soignes, ton père, miroir de ta déchéance, te répétait tes qualités : faible, malade, incompétent. Tu espérais un support, j'avais ça en stock. Je me trouvais là, ça aurait pu être n’importe qui. Tu la voulais, elle. La baiser, elle. Moi? Je t’offrais ta dose quotidienne d’antidépresseur.
Ce texte a été écrit dans le cadre du concours Reliures organisé en 2018 par les Jeunes programmatrices de la Maison de la littérature de Québec. [1]
[…]
Tout ce monde à faire tenir en soi. Tous ces liens qui s’entremêlent : un réseau de chair, de cambouis et de rêve, qui pulse, inextricable. J’ai 40 ans. Je suis seule sur la route – trois mois, dix-huit-mille kilomètres, des litres de café, quelques flasques de rhum, la vie de Frida Kahlo, et des mots des mots des mots.