Succions
tu es seule et laide édifiée au statut de victime timorée soudoyée yéti des temps nouveaux veau de lait d’une chienne de vie
tu es seule et laide édifiée au statut de victime timorée soudoyée yéti des temps nouveaux veau de lait d’une chienne de vie
Je virtuose ce que j’ai dans la tête. Quand ça sort, ça sort vite, ça sort mal. Ça sort tout croche, comme quand on se vomit le corps parce qu’on a mal à son cœur, mais que l’expulsion ne soulage pas.
t’as tordu le silence jeté sur moi perché sur les branches de ma mémoire laiteuse ne voyant qu’un fond de joie qui s’écoule goutte à goutte par mes trous mes orbites gonflées d’orgueil
J'aimerais vraiment dire un truc important, mais je sens que je vais passer à côté. Je suis bien cette fille, la fille qui passe à côté. Je sais pas quand, exactement, c'est possible de sentir le trou qui s'installe en moi. On pourrait y jeter les corps d'une centaine d'hommes. Au moins. On pourrait m'oublier, si je lève pas la main.
L’après-midi a glissé sur nous sans ennui. L’oisiveté, dans ces conditions, relève de la méditation. Être là. Présent. Surtout ne rien faire. Laisser le temps passer, et nous transporter de l’autre côté, vers l’inconnu. Exister pleinement par le simple fait de se trouver quelque part, à un moment précis, et savoir que l’on s’y accomplit. Ressentir son corps non plus comme un instrument. Le rivage nous transforme.
20 h 46 On vient de me remettre un dessin et une phrase le paraphant : « il est inutile de créer sans elle ». J’ai l’impression qu’il s’agit d’un jeu de mot : « sans ailes », rapport aux oiseaux de Riopelle et à notre exercice. Cassie n’est pas convaincue par mon interprétation… Le dessin est encore plus énigmatique : au centre, une forme ogivale rayée verte; une espèce d’aile, justement, bien ronde et de même couleur, est soudée à la forme principale; une autre « aile », triangulaire celle-là, fend la forme centrale de ses rayures noires; en-dessous, un cercle rouge a été dessiné; les lettres de la phrase sont grasses et bleues.
Ştefania sort un livre de son sac : L’homme-boîte de Kôbô Abé, dans une traduction en roumain. Je le feuillette rapidement; je ne saisis rien sinon quelques mots ici et là. Je me hasarde avec une traduction aléatoire, ça nous fait bien marer. Ştefania me raconte un peu l’histoire, son lien avec le projet, l’influence que ce roman a eu sur sa réflexion artistique : je note et j’irai me procurer la version française chez l’un des libraires de la rue Ambroise Thomas, tout juste en face de la cathédrale. La discussion se poursuit, on parle maintenant de la douleur; Ştefania explique qu’elle ne peut créer quand elle ne va pas bien. Ça ne pourrait mieux tomber : nos déjeuners rue Serpenoise sont plus souvent qu’autrement assez festifs : nous sommes à tout coup galvanisés par l’enthousiasme de l’autre et on sent bien que cette jeune amitié est à la fois mondaine, intellectuelle et artistique.
La performance « La boîte intègre (integrity box) » a eu lieu pour la première fois à la Gare de Metz, en France, en février 2011; j’ai reproduit ensuite cette performance à la Gare de Zurich, en Suisse, en juin 2011. Les deux fois, je me suis mise dans une boîte en carton et j'attendais la réaction des gens. Le projet visait à étudier la réaction des passants dans les espaces publics, à la vue d'un individu enfermé dans un espace personnel et métaphorique.