Le cas gras
Elle est trop près de moi, je n'arrive plus à distinguer mon être du sien et cette envahissante et inattendue proximité me trouble.
Elle est trop près de moi, je n'arrive plus à distinguer mon être du sien et cette envahissante et inattendue proximité me trouble.
J’ai flotté longtemps, dans un espace-temps indéfinissable. J’ai oublié mon passé, je ne suis qu’un présent perpétuel qui voyage, voyage et voyage encore. Une entité sans nom, un revenant. À la recherche d’un corps où me blottir.
Les écoles et plusieurs magasins ont fermé depuis le début du blizzard. Les rues sont barrées et les gens n’osent plus emprunter leur voiture, de peur de déraper vers les fossés débordant de poudre blanche.
Me ramancher sans l’aide de personne. Tentative de me fabriquer moi-même.
Ah, ce qu’il a hâte. Il grimpera, s’assiéra sur la banquette arrière. Il opinera, poli, indéchiffrable. Au feu rouge, il aspergera de carburant le type au volant.
Résister à la tentation d’aller jogger jusqu’au fleuve n’est pas facile. Rester assise, une torture. C’est ce que la psy m’a demandé, pour éviter de continuer de perdre du poids. Rester assise après avoir mangé. Ses consignes ne font aucun sens, même si je sais que je dois les suivre.
Nathalie leur a appris sa langue, des mots bien de chez elle. Que les camionnettes sont des pick-up, que le froid est frette et que les jouets sont des bébelles. Montréal incarnait pour Sofía l’unique salut pour elle et sa fille. Un havre où elles pourraient enfin vivre leurs vies en femmes libres.
Un. Fusil. D’assaut. Il a perdu un foutu fusil d’assaut. Là-bas, sur l’autoroute, juste après que lui et les autres membres du groupe d’intervention tactique sont venus s’entraîner au champ de tir.
Quand me prend l’envie de jouer à la mère, j’ai tous les enfants que je veux dans ma tête. Des bébés imaginaires pour chaque homme que j’ai aimé. Ils restent en moi, protégés du danger. À l’abri de moi, de mes imperfections, de ma rage, de mon non-désir d’eux..
Les commerçants tremblent rien qu’à l’idée que cette marée d’anarchistes, de vandales sans foi ni respect des lois et des règlements, puisse déferler dans leurs rues paisibles. Des restaurateurs, des patrons de bar et des vendeurs de souvenirs et de sirop d’érable s’évanouissent à la pensée d’une marche sur Québec.