Nouvelles

La roue tourne

Par |2011-09-09T07:51:59-05:009 septembre, 2011|Nouvelles, Textes de création|

Si ça se trouve, Julien a fait exprès de me laisser me perdre dans la cohue. J’en ai assez de ses jeux stupides. Assez aussi des gamins qui pleurnichent pour des ballons en cœur. Je voudrais les secouer, leur dire que les amours, ça fait un temps, et qu’ensuite ça éclate. Un enfant me colle son bouquet de barbe à papa sur le bras. Je lui tire les cheveux. Des bouclettes brunes comme celles de Julien. Le garçon grimace; j’attrape une mèche de sa barbe sucrée. La mère du petit me jette un regard dégoûté. Je sens la honte colorer mes joues. Saletés de fêtes foraines.

Perrine et son pot

Par |2011-04-30T10:09:47-05:0026 avril, 2011|Nouvelles, Textes de création|

Mais. Qu’est-ce que c’est? La tête de ma Perrine qui se détache de son corps. Ai-je bien vu? Son petit crâne, si rond, si pâle, qui roule de son socle, qui chute du balcon. Incroyable. Mais vrai. C’est bien une tête qui tombe vers moi, elle est encore loin, elle a la taille d’un grain de riz.

Jaune, Rouge

Par |2011-04-20T19:52:43-05:0020 avril, 2011|Nouvelles, Textes de création|

Même caché sous le tissu blanc, Francis la hantait encore. L’image de ses poignets l’obsédait. Audrey ne pouvait s’empêcher de s’imaginer Francis quelques secondes avant qu’il n’enfonce la lame dans sa chair. Un film projeté en boucle dans sa tête, une fable inventée pour ne plus le savoir seul avec la mort. Francis et ses mains tremblotantes, sa respiration saccadée, ses yeux mouillés de larmes. Sa main enserrant le couteau dont Audrey s’est servie pour couper le rôti de porc. Francis étendu sur le carrelage froid de la salle de bain. Francis vêtu du gilet offert par Audrey l’automne dernier : « ça te donne du teint », lui avait-elle fait remarquer. Audrey ne se doutait pas que le mariage du jaune et du rouge pouvait être si choquant.

Vieille dame descendant un escalier

Par |2011-04-11T10:25:51-05:0011 avril, 2011|Nouvelles, Textes de création|

Mais elle a chuté dans l’escalier, deux étages exactement. On aura beau objecter, dévoiler un fatras de «si», c’est avéré, une femme qui dévale autant de paliers, avec l’âge sur le dos, ça fait partie d’une histoire, indélébile élément qu’on ne peut pas mettre sous le tapis – sauf si bien sûr le concierge avait eu la délicate déraison de tirer la moquette du porche sur le visage érayé de madame, mais passons – et puis ça fait un de ces fracas, on a beau dire que l’heure creuse c’est l’heure creuse, n’empêche, on entend le fémur lorsqu’il cogne contre la marche puis contre le mur de brique et enfin sur le plancher – idem pour le crâne, mais un bruit sourd cette fois, alourdi dirait-on, autre chose que le craquement sec de la hanche, quasi-tintement, cymbale.