Nouvelles

Un enfant et rien d’autre

Par |2013-11-08T20:17:44-05:0014 novembre, 2013|Nouvelles, Textes de création|

Elle se décide enfin à laisser entrer le soleil du printemps pour désinfecter l’atmosphère de la chambre. La ville est baignée d’une clarté paisible. Aurélia baisse les yeux. Et voilà qu’à travers les géraniums desséchés, elle voit l’enfant. Comme celui que son ventre aurait dû donner à Pascal. En bas, sur le trottoir, il est là, gazouillant et gigotant dans sa layette pastel. Couché dans son couffin. Elle sait qu’il la regarde à travers ses cils de soie. Le coeur d’Aurélia se recroqueville sous la brûlure de ses entrailles, aspirées par le souffle du nouveau-né

Gerry Trumpytch

Par |2013-08-28T13:55:13-05:0011 septembre, 2013|Nouvelles, Textes de création|

Que dire de Gerry Trumpytch et de cette tristement célèbre « Crise des têtes de poissons », suivant la dénomination qu’un influent chroniqueur de droite a depuis apposée à l’abracadabrante série de catastrophes que d’aucuns parmi les moins crédibles grandes gueules des médias locaux avaient attribuée à Gregory Gorki, misérable dramaturge sans réelle portée sociale dont la plus récente pièce venait de subir un revers des plus humiliants (dont la « Crise » – que le même éminent journaliste avait lui-même requalifiée, avec une mauvaise foi flagrante, de « désastre artistique sans précédent », alors que [...]

Gary Goulu

Par |2013-08-28T13:56:10-05:0017 juillet, 2013|Nouvelles, Textes de création|

Car si l’histoire de ce fortuné dauphin luxembourgeois, exilé et sans le sou, et forcé de payer une somme astronomique – qu’il n’avait pas sur lui – pour obtenir le transfert de son compte bancaire, s’était effectivement plus tard révélé une fumisterie, le pauvre Gary Goulu s’était quant à lui fait prendre par une bande d’arnaqueurs professionnels, lesquels avaient usurpé l’identité fictive des fraudeurs initiaux (malgré qu’une entente protocolaire ait été passée entre les deux groupes par la suite, soit 30 % de bénéfices – c’est une autre histoire).

Printemps sur la ville

Par |2013-06-26T14:46:39-05:003 juillet, 2013|Nouvelles, Textes de création|

Les dalles poussiéreuses de Saint-Joseph s’étendent comme une pellicule abîmée où s’inscrivent nos heures mortes depuis trop longtemps, tronquées par l’ivresse et la chaleur oppressante d’un été que ne refroidissait qu’un vent de nouveauté. Le sable et la neige s’entremêlent, la pointe de mes souliers se couvre de fange jusqu’à Dorchester, et j’entreprends malgré l’heure le pèlerinage de ma culpabilité.

L’Étoile bleue

Par |2013-05-05T18:53:38-05:0027 mai, 2013|Nouvelles, Textes de création|

« Toute maison close se ressemble! », leur avait-il dit. « Toute prostituée suce, branle et baise comme les autres! », les avait-il offensés à la sortie de ce bordel, rue des Moulins. Il se trompait, lui avaient-ils déclaré à l’unanimité. Jamais il n'avait vécu l’expérience de l’Étoile bleue, avaient-ils ajouté.

Gregory Gorki

Par |2013-08-28T13:57:17-05:0020 mai, 2013|Nouvelles, Textes de création|

De l’apparence de Gregory Gorki, qui buvait son café noir et très amer, rien à dire, sinon cette courte phrase, qui se termine d’ailleurs à l’instant. À titre de précision, osons pourtant l’hypothèse selon laquelle, beau sans être laid (et vice-versa), Greg – sa famille l’appelait plus simplement Gregory – se confondait sans effort à la masse terrienne environnante en ce que l’extraordinaire banalité de sa physionomie physique ressemblait si peu à quoi que ce soit qu’il en devenait comme à peu près tout le monde – du moins celui que l'on connaisse (et l’on en connaît un paquet).

Nomenclature pour nos ivresses

Par |2013-03-21T11:00:46-05:0022 avril, 2013|Nouvelles, Textes de création|

Un mois de juillet, en pleine canicule montréalaise, l’envie de quitter la médiocrité m’avait poussé à dire oui, pour la première fois, à l’ivresse narcotique. Un prélude aux excès subséquents, un penchant symptomatique pour la fuite. Je voulais connaître la liberté absolue, la chute des barrières de ma conscience. Le sentiment d’être supérieur à l’être commun. J’ignorais encore les limites de mon corps et les contraintes du réel. Je cours encore quatre ans plus tard, comme s’il était possible d’atteindre quelque chose de mieux. À trop vouloir m’élever au-dessus de moi-même, j’ai déboulé tous les étages de ma tour de Babel et je fais maintenant face à la menace de m’effondrer avec le reste du salon. Me retrouver dans l’oubli ou dans la mort. Ne plus être unique. Vivre l’échec prédit depuis le départ.

Le choix

Par |2013-02-20T06:13:51-05:0020 février, 2013|Nouvelles, Textes de création|

Nana ne comprend pas. Elle se lève, s’avance vers la porte entrouverte. Elle la pousse avec son épaule. La porte grince. Ichi tire Nana par l’oreille. Nana glisse derrière lui. Ichi la frappe au visage. Nana hurle. Ichi se retourne, ferme la porte d’un puissant coup de pied. Nana s’assoit dans un coin. Elle pleure, elle crie. Elle fixe le mur, le gratte frénétiquement. Ichi frappe Nana derrière la tête.

La créature

Par |2013-02-04T06:09:50-05:004 février, 2013|Nouvelles, Textes de création|

Tu t’es retournée, tu as traversé la pièce en sens inverse. Tes pas sont demeurés silencieux sur les dalles, amortis par les semelles de tes souliers de course. Pour une fois, tu aurais voulu qu'ils claquent comme des coups de tonnerre. Ton regard noyé, accusateur, a accroché celui de Simone. Tu as secoué la tête. Tu n’as pas crié, parce que ce cri aurait tout cassé.

L’effeuilleur

Par |2013-01-09T13:42:11-05:009 janvier, 2013|Nouvelles, Textes de création|

La loge était pleine à craquer de gars pour la plupart très musclés et admirablement bien découpés, sans chandails, huilés, qui se regardaient dans les dizaines de miroirs placés un peu partout sur les murs de la pièce. Certains levaient des poids ou faisaient des pompes pour bomber leurs muscles en prévision du moment de vérité. Un gars déguisé en pompier, un autre en policier, un vampire, un travailleur de la construction. Des gars qui s’échauffaient en faisant quelques pas de danse, en s’étirant dans tous les sens. Je me suis assis sur la première chaise venue : une crampe me déchirait le thorax. Un crieur a annoncé que les auditions allaient commencer dans cinq minutes.