Nouvelles

Pour lui, dans sa sombre et triste carrière…

Par |2016-06-16T09:18:15-05:0022 juin, 2016|Nouvelles, Textes de création|

Andrzej a aussi l’obséquiosité farouche d’une terre toujours conquise et à genoux. Il a la poésie de sa terre, une poésie grave et penchée comme le col des poneys. Il veut ma confiance. Ufność, ufność, disons-nous souvent. Confiance et abandon. Il a sa clé. La clé de la porte d’en bas. Le jour il ne faut pas parler trop haut. Nous sommes de scrupuleux complices. Je le cache. Et la nuit je lis Mickiewicz.

Le tambour

Par |2016-05-24T13:30:30-05:0011 mai, 2016|Nouvelles, Textes de création|

Stella s’amuse à faire éclater les fucus évanescents, ces algues vertes évoquant des caleçons de bonne femme. Elle contourne les crans et s’avance dans l’eau jusqu’aux mollets. Elle marche dans les échevelures d’algues qui, au fur et à mesure que la marée monte, se démêlent et se libèrent des barrettes de bois nu qui les retenaient au sol. Stella pense à Leda alors que le froid mord son ventre. Une immense fatigue s’abat sur elle en même temps que la brunante. Elle s’arrache à l’engourdissement et rentre se coucher dans la cabane de l’ile des Corneilles. La nuit s’étale, imitant le fleuve. Stella se réveille en larmes à plusieurs reprises. Dans ses rêves, Leda danse avec elle sur les galets, avant de tomber.

Les journées tristes

Par |2016-04-13T11:55:06-05:0013 avril, 2016|Nouvelles, Textes de création|

Lorsque j’ai croisé le regard de l’homme, j’ai tout de suite compris qu’il n’était pas originaire du pays. Il avait passé une bonne partie du voyage à regarder la forêt défiler par la fenêtre et à rédiger une lettre à l’encre bleue. Je faisais semblant de somnoler sur ma couchette. De loin, son écriture s’apparentait à celle d’un enfant. Je n’arrivais pas à distinguer les mots. J’ai vite compris qu’il écrivait dans une langue qui m’était inconnue.

Indigeste

Par |2016-12-21T15:06:43-05:0030 mars, 2016|Cours de création littéraire, Dossiers thématiques, Exploration des genres, Nouvelles, Textes de création|

et la télé au mur montre du sang et des corps en grosses couvertures mais toujours aucune Palestine à l’arrêt d’autobus j’ai les pieds mouillés ma blonde m’appelle j’écoute les yeux dans le vide je pense à son corps sur le mien c’est long enfin j’embarque et j’écris puis désœuvré je lis Hugo

Impérative

Par |2019-03-05T01:03:05-05:0016 mars, 2016|Cours de création littéraire, Dossiers thématiques, Exploration des genres, Nouvelles, Récit, Textes de création|

Nos mains de deux temps nouent des rubans à nos cheveux et tirent la laisse de nos petits chiens. Victoria attend que sa mère se désintéresse un instant de son conseiller John Conroy; j'attends que ma mère se désintéresse un instant de mon père. Je chuchote à l'oreille morte mes peurs d'enfant. Ce qui nous lie pourtant, nous corsète l'une à l'autre, s'apparente à la lassitude d'une vieille dame.

Frédéric Lynch a mal à la tête

Par |2016-05-24T13:36:28-05:002 mars, 2016|Nouvelles, Textes de création|

Une douleur inconnue apparaît sous les tempes de Frédéric. En retournant vers le salon, il voit Patricia qui gît sur le lit de la chambre d’amis, absorbée par un livre, absente du monde, comme si elle n’avait pas entendu sonner l’interphone dont il actionne le haut-parleur. Une voix familière, mais qu’il ne parvient pas à identifier, prononce lentement : « Bernart Morse est mort ». Puis, à l’extérieur, le vrombissement d’une voiture au moteur puissant résonne. Elle s’éloigne. Frédéric court à la fenêtre. Trop tard pour voir de quelle automobile il s’agit. Il ne connaît aucun Bernart Morse.

Blessure langagière

Par |2016-02-03T14:19:54-05:0010 février, 2016|Nouvelles, Textes de création|

— Votre garçon est un génie! [...] Je crois que je vais remanier l’horaire du jour. Dimitri nous donnera un cours sur les cachettes improvisées. On ne sait jamais quand un cambrioleur se décide à prendre un rendez-vous-surprise avec notre demeure. Bon, vous pouvez disposer, lance l’enseignant, surexcité.