1.
...la réalité me rattrapait : trouver un champ d’étude, chercher du travail, rencontrer idéalement un amoureux, acheter une maison, avoir des enfants. Ce qui a l’air tout tracé pour la plupart des gens m’apparaissait comme une cage.
...la réalité me rattrapait : trouver un champ d’étude, chercher du travail, rencontrer idéalement un amoureux, acheter une maison, avoir des enfants. Ce qui a l’air tout tracé pour la plupart des gens m’apparaissait comme une cage.
Ce matin, nous partons en expédition pour gravir le Mont Sainte-Anne, situé derrière l’église de Percé. J’aime sentir mon cœur débattre durant l’ascension, l’épuisement, la lutte contre moi-même, l’ivresse des hauteurs, le manque d’oxygène, l’extase au cerveau.
Son opinion avait perdu le vernis du possible. Il ne reconnaissait plus les mots, les sens flottaient çà et là dans le bureau. Il se voyait naviguer dans l’air, spectre lugubre surplombant la carcasse d’homme mûr. Et tout vint à se dégommer de soi-même : les murs, la chaise, les livres, la lampe, la fenêtre, les lattes du sol.
Désormais, chaque fois que je consulterai les aiguilles, il sera trois heures quinze du matin. Il dormira à mes côtés, mais je ne pourrai pas le toucher. Le temps venu, je remettrai la pile en place pour réentendre le tic-tac qui couvre le silence absolu et les secondes défileront, de nouveau intangibles.
Ta mère insistait pour que tu te soignes, ton père, miroir de ta déchéance, te répétait tes qualités : faible, malade, incompétent. Tu espérais un support, j'avais ça en stock. Je me trouvais là, ça aurait pu être n’importe qui. Tu la voulais, elle. La baiser, elle. Moi? Je t’offrais ta dose quotidienne d’antidépresseur.
Tu as les yeux des mauvaises nuits. Le mascara oublié la veille s'étire dans le bleu de tes cernes. Tu as le regard brouillé et les mains incertaines. En tirant sur ta cigarette éteinte, je vois tes lèvres qui tremblent, qui hésitent puis se raffermissent. Un geste manqué si pareil à toutes ces fois où tu as semblé vouloir me parler de plus loin que du quotidien. Combien de mots retenus dans ce geste familier?
Tu te penches tout en dépliant les pantalons cargo le long de ses jambes. Et tu le sens se raidir dès que tu touches ses chevilles. Ton père ne veut pas les enlever, ses escarpins.
J’ai pas envie d’être ici. De faire ça. J’ai pas envie de vivre tout ça. Je retiens mes larmes. Hoquette. Lentement, je me sens craquer. J’en reviens pas d’être là. En train de laver ta carcasse comme si c’était normal, comme si c’était ce qu’il fallait faire. Je ferme les yeux. J’aurais dû appeler une ambulance. Mais on sait tous les deux depuis longtemps que les ambulances ne servent à rien dans ton cas.
Y'a des moments de même où j’me sens seul. Dans ce temps-là, j’m’en vais faire un tour d’autobus
Je les regarde souvent, ces enfants, lorsqu’ils s’assoient sur le plancher du salon, pour souper en regardant leur émission, lorsqu’ils se disputent ou, encore, quand ils se mettent à deux pour faire courir et sauter le chien partout dans la maison. Et elle, elle, je la vois partout, tout le temps, surtout quand je ferme les yeux.