Mon Rue Deschambault qui m’a menée autour du monde
Ce texte a été écrit dans le cadre du concours Reliures organisé en 2018 par les Jeunes programmatrices de la Maison de la littérature de Québec. [1]
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Ce texte a été écrit dans le cadre du concours Reliures organisé en 2018 par les Jeunes programmatrices de la Maison de la littérature de Québec. [1]
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[...] il y a eu cette belle soirée de la série « Les débuts fulgurants », animée par Patrick Bilodeau, libraire chez Pantoute, et pour laquelle on m’avait demandé de parler des premières œuvres qui m’ont marqué, ou qui présentaient des débuts marquants, je n’ai jamais trop su. Il se trouve que les unes sont les autres, et ma sélection m’a mené à ce constat paradoxal : les livres qui m’ont plu sont ceux que j’ai lâchés parce qu’ils exigeaient d’en faire quelque chose — de l’art ou du trouble, souvent les deux.
Je suis la deuxième d’une famille de quatre filles: même regard sombre, même sourire lumineux, même drôles de mimiques. Quatre poupées russes que l’on peut emboîter puis déboîter à sa guise. Si je vois pour la première fois quelqu’un qui connaît l’une de mes sœurs, il s’exclame immanquablement : « C’est incroyable, tu lui ressembles tel-le-ment, vous êtes des copies conformes! » Il reconnaît alors chez moi quelque chose qui lui est familier. Comme si mon visage portait la trace d’émotions, d’expressions et de rencontres qui ne sont pas les miennes.
Québec aux soirs d’été; on ne saurait la décrire. Il y a quelque chose dans sa façon de bouger, d’illuminer le ciel, qui nous fait indubitablement tomber sous son charme. En prenant le temps de l’observer, on se rend compte que beaucoup de choses semblent se décider à l’angle de Saint-Jean et d’Honoré Mercier. On y va et on y vient en toutes directions, habituellement pour aller prendre un coup dans l’un des innombrables bars éparpillés à travers les vieilles rues de la ville.
Investir la marge, c’est assumer la part des ténèbres dans lesquelles le foreur laisse l’interlocuteur, c’est assumer l’inconnu, donc à l’aveuglette, c’est se prêter à l’interprétation, c’est se découvrir le flanc aux attaques de ceux qui sont au bord du gouffre. Investir la marge, c’est oser avouer que le forage est prévu mais non pas infaillible, c’est s’exposer au public en tant qu’agglomération de mésadaptés, c’est fournir à l’autre un point d’ancrage pour explorer l’autrement vrai et impossible.
Je croyais que, là au moins, les gens prendraient ça au sérieux : lâcher des mots dans l’inter monde, gravés sur du nulle part. Je me trompais. Même en 140 caractères et moins, sur une plateforme planétaire, dans un bel encadré, les gens ne prennent pas la peine d’affûter leur stylet.
Jésus au temps de l’Inquisition Le diable dans les rues de Moscou Judas révolutionnaire du peuple Encore Jésus, mais cette fois, vieillard Pilate dans le désert
Ce n’est peut-être pas un bon jour. Il a plu par intermittence. Je n’ai pas pu rester en classe. Des regards s’échangent. Il y a une sorte de familiarité qui s’installe peu à peu, et qui nous retarde sans cesse. Et cela m’est apparu : j’attends. Dans cette classe, dans ce monde, sans arrêt j’attends.
Construction pyramidale, tripartition des personnages. Grosse masse claire de barbe patriarcale et de voiles virginaux. Les mains blanches, ouvertes sur les visages. Hiératique. Le peuple amassé au pied de l’estrade. Bruit et Fureur dans les lointains.
Le premier ministre se permet de faire des blagues sur le dos des étudiants. Les journalistes attaquent le porte-parole de la CLASSE. On lui demande de jouer le rôle de quelqu’un d’autre, on lui demande de faire des déclarations pour lesquelles il ne détient pas l’autorité morale et symbolique. On demande aux étudiants de fermer leur gueule. On transforme mai 68 en octobre 70 et on s’insurge qu’un pont soit bloqué et qu’on rentre chez soi en retard pour le repas du soir. Je n’en peux plus.