Si enseigner la création littéraire est agréable, accompagner des étudiants dans l’écriture de textes destinés à la jeunesse est tout simplement merveilleux.
Bien sûr, certains aspects techniques doivent être pris en considération. Le vocabulaire doit être simple, précis, les phrases courtes, la syntaxe limpide. Les dialogues, s’il y en a, doivent être intégrés de la façon la plus claire possible. De plus, on doit se questionner sur les valeurs, la vision du monde qu’on souhaite transmettre à ces jeunes. En tant qu’adultes s’adressant à un public mineur, c’est une responsabilité qui nous incombe. Tout cela est vrai, tout cela est important. Mais l’essentiel n’est pas là.
Il ne suffit pas d’écrire des phrases courtes pour rejoindre les tout-petits, de limiter l’étendu de son vocabulaire pour enthousiasmer les plus grands. On ne séduit pas le jeune public en lui faisant la leçon, et un roman pour adolescents n’est pas un texte pour adultes qu’on aurait édulcoré. En clair, la littérature jeunesse n’est pas une sous-littérature.
Évidemment, on trouvera toujours des éditeurs pour publier des textes d’une navrante pauvreté, dépourvus d’âme et remplis de clichés. Là où il y a de l’argent à faire, on préfère souvent la répétition à l’innovation, la surface à la profondeur, la bêtise au discernement. Mais les enfants et les adolescents sont autre chose que des clients, maîtres tyranniques du portefeuille de leurs parents. Nos jeunes sont des individus à part entière. Pas des adultes en devenir. Des êtres humains. Et c’est à ces humains que nos textes doivent s’adresser.
Enseigner l’écriture jeunesse, c’est donc amener chaque étudiant à se reconnecter avec l’enfant ou l’adolescent qu’il a déjà été, et qu’il est peut-être encore d’une certaine façon. Renaître à ses premières sensations, revoir le monde pour une première fois. Explorer ses émotions juvéniles, redécouvrir les êtres qu’il a aimés, ceux qu’il a haïs. Accepter l’intensité et la naïveté de ces mouvements du cœur. Renaître à la peur, au rêve, à l’imaginaire. Se souvenir de ce qui, alors, donnait sens à son existence. Et écrire.
Écrire à cet enfant ou cet adolescent qu’il a déjà été et qui vit aujourd’hui en lui, mais peut-être aussi en-dehors de lui, dans le cœur et dans le corps de ces garçons ou de ces filles que l’on voit revenir de l’école, leur sac à dos déjà lourd du poids de ce qu’ils ont vécu et de ce qu’il leur reste encore à vivre.
Enseigner l’écriture jeunesse, c’est accepter de se faire guide et témoin de cette plongée en soi et de cet élan vers les autres. Enseigner l’écriture jeunesse, c’est s’accorder le plaisir de lire des histoires que l’on aurait envie de raconter à ses propres enfants.
C’est ce dont témoignent les textes contenus dans ce dossier, rédigés à l’automne 2014, à l’Université Laval, dans le cadre du cours CRL-2200 − Écriture pour enfants et adolescents.
Gabriel MARCOUX-CHABOT
Université Laval