L’apport créateur des traductrices et traducteurs littéraires est souvent mal perçu dans la société : leur nom se trouve généralement à l’intérieur du livre, sur la page de titre plutôt que sur la couverture. Cette invisibilité relative, relevée notamment par Lawrence Venuti (1995), pourrait être due à la réserve qu’on a encore à leur conférer un plein statut de créatrices et créateurs. Au Canada, par exemple, bien que la loi du droit d’auteur reconnaisse la traduction littéraire comme une forme de création à part entière, les traductrices et traducteurs n’ont accès à aucune occasion de financement direct de leur travail : sans contrat avec une maison d’édition reconnue, il leur est impossible de même demander une subvention à la création.
En milieu universitaire, les traductrices et traducteurs littéraires ne correspondent pas non plus à l’image traditionnelle des spécialistes de la recherche-création. En effet, les universitaires pratiquant la traduction littéraire enseignent souvent dans un programme de formation à la traduction pragmatique, si bien que leur tâche elle-même n’implique pas forcément des activités de création proprement dites. Aussi, une pratique soutenue dans ce domaine n’est pas toujours bien reconnue : les projets non financés par un organisme public tendent à paraître dans des revues de faible diffusion, et le nom de celui ou celle qui signe la traduction peut passer inaperçu même si le livre traduit a du succès.
Dans un tel contexte, il n’est pas étonnant que peu de traductologues aient encore cherché à étudier leur travail de traduction littéraire sous l’angle de la recherche-création. Pourtant, celle-ci fournit un cadre théorique et méthodologique idéal pour pallier le manque d’études empiriques sur le processus de traduction littéraire et révéler la part créative de ce genre de travail.
Afin d’explorer de nouvelles avenues offertes par les principes et les méthodes de la recherche-création en traductologie littéraire, une journée d’étude a été organisée le 21 mars 2018 par la professeure Madeleine Stratford (UQO) dans le cadre d’un projet financé par le FRQ-SC. Des universitaires du domaine des arts littéraires, des traductrices et traducteurs littéraires ainsi que des étudiantes et étudiants de maîtrise et de doctorat se sont réunis pour tisser des liens entre la création et la traduction littéraire de même qu’entre les approches cognitive et génétique en traductologie et en études littéraires.
Cette journée d’étude comportait deux tables rondes et quatre communications scientifiques étudiantes. Les bandes audios intégrales de la journée sont présentées dans ce dossier.