Éparpillements : les formes mouvementées de l’exil
Je parle une langue qui ne coule pas dans mes veines. J’ai appris le français à l’extérieur du foyer et rapidement je l’ai maîtrisé. C’est en français que je suis devenu écrivain, que je suis devenu enseignant… de français! C’est en français que j’ai dit aux autres qui j’étais, que j’ai exprimé ma différence, que je me suis engagé, que je me suis révolté, que j’ai récité et écrit des poèmes sans jamais arriver à combler les trous de ma mémoire : malgré ma maîtrise du français, cette langue demeure celle de l’autre et me transporte ailleurs « comme si la langue étrangère, même si elle est acquise correctement à un niveau syntaxique, ne plongeait pas ses racines jusqu’à la mémoire infantile » (Kristeva, 1992 : 30), et ce, quels que soient les stratagèmes, les détours et les jeux de langage pour faire de cette langue ma langue.