1. Myriam 1
Je suis de ceux qui n’existent pas
du monde oublié dans la marge
Je suis de ceux qui vont aux partys chez Alix
faire la fête dans un appart à St-Roch
de minuit à 6h
Chez Alix on écoute des vieux vinyles
on danse en pieds de bas dans le salon
des shooters de Sortilège dans la cuisine
un joint sur la terrasse
je bois mon six-pack de Boréale
Chez Alix je n’ai pas de sexe
je m’en câlisse
Je suis à la fois l’homme et la femme de mon désir
et je fais autant de références à Marie Uguay que je veux
Chez Alix entre minuit et 6h
on crie ensemble :
FUCK LE GENRE
(Pis on danse.)
[heading style= »subheader »]2. Éric 1[/heading]
Drague
Timex : 22h14
Sex on the Beach
non
Absolut Vodka
non
Pornstar
7,50$
24 septembre : Monsieur
Linen Chest
Fruit of the Loom
Magnum
Fleshlight
28 septembre : Madame
Bouclair
Life Styles ultramince
S&M
Victoria’s Secret
Strap-on
Timex : 22h38
Cosmo
Peanut
200 mg
Dancefloor
Timex : 25h63
Proie
Ralph Lauren
Le 31
Nautilus Plus
Grindr
Non
Tinder
Non
3 amis en commun
Hommes et femmes
C’est compliqué
Timex : Chronomètre
Deux shooters
Météo Média
LCN
V Télé
YouTube
Hahaha
Porn Hub
Men.com
hhhhh
Taxi Coop
3e avenue
20,50$
Timex : sexe et quart
hhhhh
Le 31
hhhhh
Ralph Lauren
hhhhh
Under Armour
hhhhh
Tyrap
Vaseline
hhhhhhhhhhhh
Trojan
Trojan
Trojan
Trojan
Trojan
Trojan
j’ai peur d’oublier
ce qui me dévore
Kleenex
Baby Wipes
eVAP
Heineken
Heineken
Speed
Timex : 10h14
Goodbye
Prozac
Heineken
Taxi Laurier
20,55$
Drague
[heading style= »subheader »]3. Myriam 2[/heading]
J’aime comment on me regarde
La question à formuler
Le petit sourire qui vient avec la réponse
Les sourcils qui restent froncés si y’en a pas cette journée-là, de réponse
Ça ou l’absence de regard
Quand je deviens un espace blanc
Le monstre ou le fantôme
les deux me plaisent
[heading style= »subheader »]4. Isabelle 1[/heading]
Odeur de bière cheap collée aux tables grasses
Parfums de nom et de fragrance disparates
Axe bon marché ; Fantasy de Britney Spears.
Ça sent le secondaire quatre. Les hormones et la sueur. Un sexe rameuté, bestial.
Normcore.
Ça sent la saleté, la médiocrité.
Comme la Rickard’s payée trop cher au coin du bar.
Dark. Bouteille tiède, mains moites.
Gorgées épaisses au cœur du ventre ma langue timide dans ma bouche
évite les aveux
les langues étrangères avares envahissantes
les langues flasques de vodka raides d’amphétamine
la chair qui se trémousse d’envie
mais les électrons libres volent en silence aux aguets
Gagner l’alcôve les doigts cramponnés à ma bouteille.
L’ombre comme un voile la bière noire de l’encre dans ma gorge
de l’encre dans ses cheveux.
si belle qui danse qui brille
La boucle qui frôle constamment l’orée de sa joue
Je la capture en polaroïd le focus sur l’encre de ses cheveux
le velouté de la bière âcre dans ma bouche
le velouté de ses yeux sombres qui balaient la piste de danse.
la blancheur de sa peau au cœur du stroboscope ivre d’elle
de son ostentatoire désinvolture
de son profil tracé au fusain
et des reflux de sa filature.
Je m’invente amoureuse d’elle
noyée dans la houle des corps drogués
dans les odeurs de bière collée qui effacent celles de l’argile et du patchouli
dans son visage inconscient qui refond celui large et ridé qui me hantait encore hier
dans sa chevelure abondante qui me met en émoi malgré mes mains habituées aux épidermes ravagés dont je ne peux plus retrouver l’image dont je ne veux plus sentir la froideur sous les doigts, et je plonge encore dans les corps pour m’approcher d’elle, mais elle s’éloigne elle sort fumer une cigarette l’allume je m’émoustille aussi je brûle comme la cigarette mais ses yeux se closent de satisfaction tandis que je me glisse le long du mur de briques pour me rapprocher de sa chaleur et elle ne me voit pas.
Et c’est parfait ainsi. Que l’image. La jouissance secrète de sa cigarette entre ses lèvres.
La mienne, plus secrète encore.
Je l’immortalise dans un dernier sursaut de son sillage.
[heading style= »subheader »]5. Véronique 1[/heading]
Tu me disais tu sens la pomme grenade,
Ton nez dans mon intérieur
Je t’ai admiré, abreuvé, gorgé, étouffé, rempli
Tu tangues
Dans mes draps,
Ton basin
Mon rythme
Ton bref
Sursaut
Pas de café ce matin ?
Pas de baiser ce matin ?
Tu veux te dire,
mais
Tu te braques
animal absurde
Entre toi et moi
Choc succinct
la première larme tombe.
Lourde. Magnifique
Tu agites les bras mais tu es invisible
Décalage entre tes os et mon cerveau
La deuxième larme suit
perfide
Invitant les autres
Danse lyrique à demi-ton
Ici et là.
Elles martèlent le sol à fréquence syncopée
Douce pluie qui creuse son parcours entre les volants de ton nez.
Contours magnifiques.
[heading style= »subheader »]6. Éric 2[/heading]
Bouche : TUYAUTERIE
Nez : SUPERFLU
Doigts : SINUEUX
Ongles : COCHONS
Peau : ÉPIDERMA
Ventre : WEIGHTWATCHERS
Vagin : BAVEUX
POW
WOW
Lit : SPERMÉ
Pénis : BAZOOKA
Fenêtre : GRILLAGÉE
Condoms : ÉPARPILLÉS
Murs : ÉCLABOUSSÉS
Menottes : SORTIES
Saran Wrap : ÉTOUFFANT
Arrêt? : JAMAIS
POW
…
WOW
Fouet : DÉGOUPILLÉ
Sacres : TABARNAK
Anus : HUILE DE CANOLA
Dos : FISSURÉ
Corps : TABASCO
Dildo : DOUBLE SODOMIE
Musique : SLAYER ET BEETHOVEN
Érection : SAIGNANTE
Next : FISTING
POW
…
WOW
Porn : SOFT
Porn : HARD
Porn : WEIRD
Porn : WEBCAM
Porn : LINDA, 89 ANS
Porn : S&M
Porn : TORTURE
Porn : FÉCALE
Porn : ANIMALE
Porn : PETIT THOMAS, HUIT ANS
POW
…
ow
ow
non
j’arrête quelque part
j’ai des ombres immenses
malgré moi
j’ai des frontières de glace
ternes pis grises pis molles pis froides
malgré moi
je pousse, je pousse, mais j’ai un mur
j’ai de quoi qui est moi
en moi
malgré moi
criss
[heading style= »subheader »]7. Ariane 1[/heading]Elle
est morte dans son lit
à sa place
Lui
avait laissé les empruntes
de son corps mort
Elle s’est couchée dedans pour mieux le rejoindre
c’t’une belle histoire
Moi
je suis morte toute seule
dans mon lit
mon corps mort dans
mon propre lit sale
dans mes propres draps froids
dans l’absence d’un sexe entre mes cuisses
le mien et l’autre
le mien retiré avant qu’on y entre
le mien mort avant la pénétration
la consommation
la production
la naissance
l’enfant
la vie
le partage
morte avant l’usage
vidée comme une huître
[heading style= »subheader »]8. Éric 3[/heading]
ce qui bougera pas
ce qu’on subit de nous
ce qui est
invincible
non non non non non NON
non
tu veux?
tu peux
tu changes
tu gagnes
t’oublies
t’es pu
t’es devenu
tu veux?
tu peux
tu changes
tu snapchattes?
tu fourres?
tu crosses?
tu doigtes?
tu suces?
t’avales?
tu teabag?
tu jouis?
t’attaches?
tu vomis?
tu sens?
tu m’entends?
lève-toi
souris-toi
aime-toi
regarde-toi
transforme-toi
guéris-toi
lèche-toi
jouis-toi
bouge-toi
assomme-toi
assourdis-toi
abandonne-toi pas
statue-toi pas
refroidis-toi pas
deviens-toi pas
tu veux?
tu peux
tu changes
tu gagnes
t’oublies
t’es pu
t’es devenu
tu veux?
ce qui bougera pas
ce qu’on subit de nous
ce qui est
invincible
[heading style= »subheader »]9. Isabelle 2[/heading]
Mon œil est un objectif
dysfonctionnel
Ne capte que le mouvement que l’essence que les odeurs
l’odeur d’argile de grosses mains tachetées de peinture celles des jointures qui craquent.
Mon œil fuit l’immobilisme
a peur des instantanés
œil polaroïd
Mon œil ne pense plus aux grosses mains tachetées de peinture à l’odeur de l’argile
mon œil suit pour mieux être fui pour mieux oublier
l’odeur des pots de peinture du dripping spermatique dans mon lit
Mon œil glisse sur la ligne de sa mâchoire sur le galbe de son sein
elle s’offre à mon œil le cambré de ses reins sa main lovée entre ses cuisses
elle aime être contemplée immobilisée dans un objectif afocal
Je la prends tout entière immobile et fugitive
mon amour d’argentique dont les yeux demeurent clos et les seins béats
elle s’ouvre à la dizaine de regards brûlants
et pourtant, c’est elle que je voudrais cueillir
à son insu
la pétrir sous mon regard
comme autrefois les grosses mains tachées de peinture et ce sourire de pervers dont l’ivoire reluit encore contre le grain de sa peau.
Je prends la photo.
L’œil objectif irradie parmi les débâcles.
[heading style= »subheader »]10. Turmel 1[/heading]
regardez-moi ça
regardez-la
tellement fraîche tellement jeune
tellement pure tellement
regardez-la vraiment
limite entre la chair et l’obscur
ses lèvres découpent l’alcool
au millilitre près
bouton de parfum rouge à rendre la sève
morsure cœur cannelle
c’est ce que vous vous dites
regardez-la pour vrai
regardez son corps de poupée russe
son pied impatient
l’attache du mollet tendu
l’angle délicat de la malléole
les osselets fragiles
sous la peau papier de soie
entre vos doigts fétichistes
des jambes fuselées de sueur et de café
au lait chaud
que vous vous dites quand vous pensez
au sexe
du matin d’après
vos yeux velcros
sur sa géométrie de femme
son dos ses reins sa
croupe
parenthèse laissée ouverte
invitation tacite
nuque penchée vers l’épaule droite
inclinaison raisonnable doute
vous imaginez déjà la suite
vos yeux naïfs
y la dénudent pervers
épluchent sa gorge sa poitrine à peine mûre
coupent en quartiers juteux
ses glandes mammaires
pulpe sanguine
vos yeux rasent les lèvres lactées
de sa vulve prépubère
vos yeux de mères et de pères
et de fils et de sœurs
vos yeux de frères et de tantes
et d’amis et de connaissances
vos yeux d’ex pis de one night
vos yeux de spectateurs
vos yeux de sites de cul
vos yeux de derrière l’écran
le quatrième mur qui protège
vos fantasmes
vos yeux qui en ont trop vu
mais qui en veulent toujours plus
les mêmes yeux qui se détournent
pour dire j’t’aime
pis qui se ferment pour crier encore
vos yeux de désir vos yeux de besoin
vos yeux de faiblesse
ils la regardent pour la garder
souvenir de baise
dans les plis décharnés du lendemain
ils la dévisagent la rongent avides
pendant qu’elle fait la belle
mais en vrai je sais
elle fait la morte
c’est ce que vous voulez de toute façon
désir prévisible et méprisable
déjà son corps dans
votre lit
vous l’immolez du regard
flamme par flamme
la bleue plus chaude que la jaune
pour comprendre la caresse
l’impression du poids de ses seins
dans votre paume
coupole soupesant le plaisir
neuf franc offert sacré
ça pèse lourd le sexe
dans l’espace-temps
regardez-la
vous arriverez peut-être
à la voir
mais la vraie beauté
mais la vie voulue réelle pleine
hors des heures et de la gravité
débarrassée de la matière
de ses pièges symétriques
elle est là-bas
derrière la femme-enfant
au-dessus de son épaule insipide
on ne les voit pas mais
on les devine
deux sillons d’insomnie
qui l’épient elle
comme vous
deux lignes d’horizon aspirant la scène
deux supplications immenses
la beauté famine
la beauté sécheresse
la beauté fin du monde
comme vous
ses yeux veulent fuir quelque part
dans l’écho de cette fille poupée caverneuse
son regard inconnu automate
comme le vôtre
lui aussi habité
pourtant
fouille le corps facile
rien d’abstrait ou de profond
que de la mécanique
j’ai voulu qu’y montent
ces yeux-là
remontent
à l’intersection
de l’épaule d’enfant
s’accrochent dans l’interstice
qu’ils se posent qu’ils s’arrêtent sur moi
qu’ils tombent ailleurs
que sur les feux de Bengale
ailleurs que dans l’évidence
qu’ils dérapent et rencontrent les miens
mais l’épaule fait écran
entre nos grands trous noirs bleus
comme vous
elle la regarde
pis ça m’annule
dans l’espace-temps
[heading style= »subheader »]11. St-Pierre 1[/heading]
cacher tout
ma fausse dévotion et penser à la nuit d’hier
mouiller le banc d’église pendant le sermon
faire semblant d’écouter le regard perdu
Notre Père blabla
j’remue mes lèvres
tout va bien
maman a les yeux fermés
j’devrais avoir plus de sérieux
et me reprendre en main
mais Fuck non
les images d’hier soir me reviennent dans mon esprit stroboscope
*
j’aimerais ne pas décevoir mes parents
j’suis sage
j’veux pas perdre mes privilèges
sortir le soir faire semblant aller marcher
finalement
être là-bas
[heading style= »subheader »]12. Ariane 2[/heading]
quand t’es pleine, ils pensent : je peux la mettre
pas d’danger
Mais avoir le ventre vide signifie avoir la bouche pleine
et matière blanche au coin des lèvres
et substance blanche dans la bouche
et liquide blanc dans les yeux
et fluide blanc sur les seins
parce que me pénétrer c’est perdre
me mettre c’est donner la mort
me baiser c’est gaspiller le sperme
me fourrer ça sert à rien
pauvre-moi
l’index ratatiné comme au sortir du bain
glaire séchée sous l’ongle
au creux des lignes de ma main
me doigter, tout ce qui me reste
une pourriture destinée à la solitude ou à se tuer
Achète les enfants des autres, ils disent
je ne mange pas de fruits gâtés
une verge me pénètre et
ça meurt
comme dans un préservatif
et tout cela me coule entre les cuisses
comme un crachat
coulant en rivières
sur les fissures de mes cuisses
le ventre vide
et la bouche pleine
j’ai la gorge chaude
il ne me reste
que ça
[heading style= »subheader »]13. Véronique 2[/heading]
Répétition du moment
Répétition comme principe premier
je t’aide
je t’aide
Tu marches
Vois tu marches
Je t’aide
Vois comme tu vis
J’ai la manière,
Vois tu danses
Allez!
Danse!
Ris
Avance.
Tu me veux,
Le passage obligé pour exister.
Allez danse!
Danse contre moi.
Dessine mes formes vacantes
Danse!
Criss
T’en peux plus, c’est ça?
Le pique de ma voix qui éclate dans ta tête
Monstre strident insurmontable
Pire encore
Comme si
Vivre par procuration
Comme si
Seul est innommable
Comme si
Je te préférais à rien.
Tu sens meilleur que mon oreiller, alors oui.
Danse!
Tes lèvres en cascade sur l’intérieur de mon bras
froides
[heading style= »subheader »]14. Éric 4[/heading]
Contrôle
Pousse
Encore
Sois
Crée
Monte
Échappe
Ferme
Cours
Continue
Ouvre
Grand
Prends
Tousse
Avale
Digère
Incube
Espère
Cultive
Deviens
Change
Échec
Encore
Essaye
Continue
Escalade
Fuis
Loin
Augmente
Extrême
Géronto
Pédo
Agalmato
Éméto
Scato
Symphoro
Uro
Xéno
Hybristo
Zoo
Nécro
Regarde
Avale
Nausée
Avale
Criss
Digère
Incube
Espère
Abandonne
Cultive
Deviens
Change
Change
Pitié
Échec
tellement, tout ce qui existe
tellement, partout
pis être juste ça
ça, un frisson d’ennui
ça, celui qui sera jamais roi
chuis pas contemporain
j’aime pas les Noirs
les trop
les phallus
les vierges
les néons
les oui
même si je me déchire
à vouloir
j’plonge dans les ronces
j’devrais finir par aimer ça
mais j’résiste
sauf que dans le cillement
le grognement du gouffre
l’odeur du vide
en reflet
tout ce que j’serai pas
ce qui bougera pas
ce qu’on subit de nous
ce qui est
invincible
j’ai peur d’oublier
ce qui me dévore
[heading style= »subheader »]15. Myriam 3[/heading]
Je suis de ceux qui n’existent pas
du monde oublié dans la marge
Je suis de ceux qui vont aux partys chez Alix
faire la fête dans un appart à St-Roch
de minuit à 6h
Chez Alix on écoute des vieux vinyles
on fait des concours de bas laites dans le salon
des shooters de Jagër dans la cuisine
des puffs de guerrier sur la terrasse
je bois mon six-pack de Boréale
Chez Alix je n’ai pas de sexe
je m’en câlisse
Chez Alix entre minuit et 6h
on crie ensemble :
FUCK LE GENRE
(Pis on danse.)
[heading style= »subheader »]16. St-Pierre 2[/heading]
j’ai fait mon chapelet
Je vous salue, Marie pleine de grâce blablabla
le fruit de vos entrailles est béni blabla
amen
j’ai fait mon chapelet 10 fois
j’me permets 10 minutes de Tinder
l’angoisse constante d’être reconnue sur ma photo
malgré le rouge à lèvres rouge plotte rouge sang
fouet
*
les rencontres sont toujours pareilles
c’est quoi
ton nom
ton âge
ce que tu fais dans la vie
points de suspension
viens j’te montre comment je suce lèche frappe écorche
17. Ariane 3
je sais faire des bonnes pipes
acte suicidaire par excellence
être là, comme étouffée
ça s’expulse et puis c’est mort
et l’homme, la queue flasque
masque son sourire en une grimace
le visage de la peur
paralysé qu’il est
que nos mâchoires claquent
que ce soit la dernière
il s’enfonce
garde les poings serrés
quand on le regarde en contre-plongée
peut-être montrer les dents
sinon la route de mon con
là-dessous pas de semence aucune
deux pôles négatifs
annulation favorable
barbe et bave
sur ma peau de chagrin
lèvres contre lèvres
pour freiner la disparition
anthropophagie
[heading style= »subheader »]18. Isabelle 3[/heading]
Mes cibles épidémiques épidermiques
elles sont aussi nombreuses que des tâches de rousseur sur leurs joues
que les secondes égrainées comme des chapelets
que ses marques de doigts sur mes côtes
Je les laisse proliférer danser sous mes paupières infiltrer mes mouvements.
je concentre l’éclat de leur regard au creux de mes jambes
là où ça faisait si mal là où ça faisait si doux
et je retrouve presque le sursaut ultime freiné froidi frigide.
Je les aime comme je ne sais plus tout à fait aimer.
Mes cibles dorment au cœur de janvier entre leur duvet et mon gin Bombay
l’amertume sort mes doigts de l’inertie éveille mes envies
je visite chacun de leurs appartements
leur petit salon vert pomme
les comptoirs de vaisselle souillée
leur chambre à l’odeur de lavande et de cyprine
à leur insu
les pétrir sous mon regard
comme autrefois les grosses mains tachetées de peinture
Leur respiration régulière m’empêche de rejoindre leurs draps parfumés
comme le souvenir du gros doigt contre mes lèvres contre mon ventre
arracher mon silence arracher ma jouissance
son grand sourire les contrées abstraites qui sentaient l’argile et le sexe
Je ne refusais rien.
Il savait combien je l’aimais.
Entre les refus et les sanglots, je jouissais je m’abandonnais qu’à demi je l’aimais, peut-être pas.
et au moment même de l’orgasme
les yeux doux de cette femme.
[heading style= »subheader »]19. Turmel 2[/heading]
elle la regarde
vous la regardez
tous vos yeux velcros
chardons agglomérés
sur sa peau de sainte vierge
ça serait trop demander
d’être prise d’être voulue
d’être regardée
d’être vue au moins
être au centre
comme elle arquée
à vif crue
carpaccio parfait
mais non
ça serait accorder trop d’importance
à ma pauvre peau de madame
qui se viande à vous plaire
gardez vos appétits pour elle
je m’en fous
mais je veux être
vue par ces yeux-là
ils me rappellent la déchirure
que je rêve d’être désirée
dans l’impossible la douleur
dans le trop-plein
contorsions contre nature
mitraille au milieu du ventre
vase éclaté
machine à vapeur
du corps qui exulte puis explose
à force de se contenir
fantasme qu’on renonce à tout
qu’on devienne fou
qu’on se ruine qu’on se morde se calcine
s’arsenic cyanure
je crève
impénétrable
sous le vernis et la laque
vos pseudos morales
vos raisons vos tranquillités
sacrifier toutes les politesses
lancer les dés sur vos sexes sages
avant de m’immiscer
virus fièvre contagion
dans la crevasse de l’humanité
comme un écartèlement des muscles
pétris d’écume
coup de scalpel
dans l’amour originel
c’est peut-être comme ça
qu’on devient la cause
de souffrances involontaires
maladie de l’inconscient
surgies en monstre poisseux
qui suce et liche
de ses sept langues acides
vos plexus d’amants
qui aiguise concave le creux
la pointe de vos diaphragmes
cet appel continu strident
oui ce cri-là
l’appel assassin de la luxure
JE SUIS FEMME
PERVERSION
BOURSOUFFLURE D’ÂME
ET J’HYSTÉRISE QU’ON M’IDOLÂTRE
[heading style= »subheader »]20. Véronique 3[/heading]
Imaginez l’Homme sans visage
Je vole le sens de ses rires
Un miroir fracturé
Mon image
Je ne prends déjà plus sa main dans la rue
Il sourit de mes victoires
Ses défaites servent mes gains
En équilibre ambivalent
d’or et d’étain,
Il casse sous son poids
Je le regarde
lui une chaise
comme une table
comme un lit
comme une lampe
comme une chaise
comme un miroir
comme un point
comme un mot d’amour
comme une chaussure
tsé, comme une chaise
Je m’approche
danse
charmante
divine
caresse son sein
tends la main
surgie une note
vide passion
Lui une chaise
[heading style= »subheader »]21. Myriam 4[/heading]
Je pogne avec le monde à l’orientation sexuelle slaque
avec les lesbiennes pas sûres
pis les gais pas sûrs
les bis pas sûrs
les hétéros pas sûrs…
J’pogne tsé
pis en même temps…
pas sûre.
***
J’ai tout lu Judith Butler et
les théories du genre,
sur la fluidité du genre,
la construction sociale du genre.
La suprématie de l’hétéronormativité.
Ça m’a donné le goût de la parole
des mots dans ma bouche
sur les choses qui fuckent
dans ma tête.
Pis un moment donné, tu t’écœures de t’obstiner avec le monde.
Osti que l’monde comprend rien.
[heading style= »subheader »]22. Éric 5[/heading]
pourquoi toi t’es
les dieux, y ont
jamais
jamais
jamais
jamais j’aurais pu
rien de ce qu’on a
rien
moi aussi je rêve
pourquoi t’es
pourquoi t’es exactement ce que je
peur d’oublier ce qui me dévore
être rien qu’un
toi t’es
les dieux
parce que
ce qu’on subit de nous
jamais
les dieux
moi aussi
jamais
moi aussi je rêve aux forces
rien de ce qu’on a
pourquoi toi t’es exactement la peau qu’y me
naturellement
pas les horoscopes dans le
les dieux
naturellement
toi t’es
naturellement
les dieux
faible
naturellement
jamais j’aurais
être rien qu’un mur
moi aussi je
jamais
rêve aux
jamais
pas les horoscopes
être rien qu’un mur
les dieux, y
c’qu’on est de faible
toujours
faible
toujours
[heading style= »subheader »]23. St-Pierre 3[/heading]
mon obsession pour la souffrance
ma scène préférée
la crucifixion
pause
rewind
play
je dessinais des points rouges en feutre
sur les poignets les chevilles le ventre
immobile pendant des heures
l’impression parfois de sentir vraiment des clous transpercer mes poignets
je voulais souffrir
ma dévotion enfantine cachait sans doute ma prédestination
maintenant mes écorchures hématomes cicatrices sont réels je les caresse sous la douche ça brûle c’est bon
*
la première fois
j’ai prié
enlevé mes vêtements
bénissez ce repas
je suis martyre
*
parfois aucune trace visible
des morsures cachées sous mes vêtements
sauver les apparences
aujourd’hui du sang coule entre mes cuisses
hier j’avais volontairement oublié le safeword
[heading style= »subheader »]24. Véronique 4[/heading]
Je m’enlacerai
contre toi
non pas de la corde
non pas du barbelé,
mais sous la forme d’un baisé trop scellé
Au jeu du pendu, tu gagnes
les cheveux déliquescents
les yeux velours
le sein duveteux
les reins chevrons
les hanches coeurs
Tu as vu la vulve et les mains
Tu as vu les cuisses folles
Tu as vu les pieds et la terre
Ranime l’âtre et vois plus près
je m’enlacerai contre toi
non pas de la corde
non pas du barbelé,
mais sous la forme d’un baisé trop scellé
[heading style= »subheader »]25. Éric 6[/heading]
Prends-moi
Dissipe-moi dans les autres
dans les vagues
la mer
laisse-moi geler comme on oublie
Prends-moi
Borgne-moi des rêves
je veux pu d’eux
je ferme les sorties
sans bruit
j’ai pu de pitié pour moi
Prends-moi
Creuse-moi de néant
entre pour m’écraser
sois moi si tu veux
ce serait plus faible
Prends-moi
Violence-moi d’humanité
je pouvais juste être parmi
minime
dans la chaîne
Prends-moi
parce que tout le monde est moi
parce que je me reconnais des inconnus
parce que j’suis pas unique
moi
nous
rien
[heading style= »subheader »]26. Isabelle 4[/heading]
Même club sale, même heure indécise
toute sa chair contre une inconnue tatouée
ses seins dans son dos
sa langue dans sa bouche
son sexe frémissant le mien s’éveille.
La suivre comme mon suicide qui goûte les gin&lime
son existence comme ma renaissance qui sent les relents de sueur
je me noie d’elle de cette musique de son odeur que je capte au loin
entre les gens ma main glisse sous mon jeans
qu’elle est belle.
Elle se laisse aller aux rythmes et à l’ivresse j’ai envie de mordre de crier, de combattre, de griffer, de m’évanouir, de mordre, de crier, de …
Le sourire du vieux m’empêche de jouir.
[heading style= »subheader »]27. Myriam[/heading]
Retraite sûre du monde : des couvertes.
J’me repasse le PowerPoint du monde avec qui j’ai couché.
1 – Mon premier chum à 15 ans qui bandait pas pis qui a fait son coming-out comme deux ans plus tard.
2 – Ma meilleure amie… qui était pas mal moins saoule que moi quand j’y repense.
3 – Ma première histoire d’amour compliqué pas claire avec mon meilleur ami supposé d’être aux gars, puis aux gens en général, à moi en particulier, pis… juste aux gars finalement.
4 – Un petit bum de Sillery qui fumait du pot pis m’traitait comme d’la marde mais j’m’en crissais parce que c’tait toujours ben le premier qui bandait.
5 – Un gars qui vendait de la dope au Drague. On avait pété le divant-lit de son ami, aussi. Ah pis j’ai su qui s’était fait arrêter pour possession de pornographie juvénile pas longtemps après. Y’était à toute, faut croire.
6 – Un autre bum rencontré dans un champ de cerise à Kelowna, au BC, l’été d’avant. Y venait de revenir à Québec, c’était novembre, y goûtait encore l’été pis les étoiles filantes de la fin août esti. Y m’a mis deux fois dans l’cul pis j’ai jamais autant joui de ma vie qu’avec lui.
7, 8 – Ah pis deux anges de Limoilou/St-Jean-Baptiste… Mais eux j’ai peur que vous les connaissiez. (C’est des poètes.)
9 – Un Breton aussi, rencontré en voyage. Grosse barbe rousse, y roulait ses cigarettes.
10 – Ah pis une fille de mon bac, cute à mort.
Ça, c’était AVANT tinder!
J’ai quand même toujours aimé ça être tout seule dans mes couvertes.
***
Au party chez Alix,
quand Simon s’en allait, y m’a dit : « Oublie jamais d’où tu regardes. »
Y’était chaud, mais tsé, c’t’un photographe.
C’est drôle, y’a jamais réussi à prendre une bonne photo de moi.
***
J’ai aucun point de départ aucun désir de prendre la parole je suis fuyante et distante et inquiète je suis une fille? J’utilise le féminin par habitude ça s’est achevé j’ai trouvé mes réponses dans une absence de réponse le silence c’est suffisant de savoir que je ne sais pas.
***
De toute façon, ma princesse préférée, ça a toujours été Mulan.
[heading style= »subheader »]28. Ariane 3[/heading]
et si l’amant refuse de licher l’hymen
je
lui coudrai la bouche autour de ma vulve
pour qu’il ne perde pas une goutte
si l’amant refuse de licher l’hymen
je
lui urinerai à la gueule
pour qu’il ne perde pas une goutte
si l’amant refuse de licher l’hymen
je
le regarderai pleurer et morver
et serai satisfaite
si l’amant refuse de licher l’hymen
je
oui je
resterai scindée à lui jusqu’à ses vomissements
OUI
si je suis vide
je deviendrai un homme
OUI
si je ne peux pas enfanter
je suis un homme
autrement
si l’amant refuse de licher l’hymen
ce sera moi
et mes trente-deux dents
qui cisaillent le fer
et mes yeux sans paupière
et mes serpents
ssssssi l’amant refuse de licher l’hymen
quoi de plus dangereux
n’est-ce pas
que la bouche d’une femme
[heading style= »subheader »]29. St-Pierre 4[/heading]
je sais pas d’où ça vient
j’suis sûrement juste une salope
j’me slut shame
j’essaie de me sentir un peu mieux
mais non
j’me sens comme dans un film de Lars von Trier
qui doit finir un jour
*
masturbation dans le confessionnal
Notre Père, punis moi pardonne mes péchés
mais demain soir c’est moi qui tient le fouet
[heading style= »subheader »]30. Isabelle 5[/heading]
Les rues désertes sont longues comme la nuit
froides comme janvier
j’ai pris le mauvais détour pour aller chez elle
Même pas eu besoin de la filer à la sortie du bar
ses pas habitent le long de mes jambes
fantomatique beauté elle guide ma folie vers ces rues vides et longues où ne crissent que mes foulées dans la neige
Son quartier est un infini labyrinthe, sans fil d’Ariane
Je me dirige vers le Minautaure
J’ai pris le mauvais tournant
Je ne fais pas demi-tour l’ivresse du froid qui craque le silence insondable de l’hiver
mes joues engourdies le souffle court le cœur en chamade
les rues trop longues en dédales
les maisons drôlement familières
la sérialité du quotidien me tue
J’ai l’habitude de la perdition
Je cuve ma détresse à coup de coupes pleines de lie
L’hiver se dérobe s’immisce où ça fait mal viole mes écharpes
J’ai l’habitude du viol des terrains glissants des souffles courts
Des grosses mains partout sur moi
Surtout sur ma bouche.
Les rues interminables la maison en briques rouges
J’ai marché jusqu’ici je suis revenue à lui
La fenêtre éteinte son atelier sa morgue
Sa maison en noir et blanc j’ai envie de l’envahir
de cris
de couleurs
de glaire
Je veux retrouver l’envie de jouir
Je veux retrouver mon agentivité
Je veux retrouver mon corps au lieu de me noyer dans celui des autres
à mon insu
être pétrie sous son regard
comme autrefois ses grosses mains tachées de peinture
J’ai échappé ma dignité
ne me regardez pas les filer
ne me regardez pas m’effondrer
ne me regardez pas vous contempler pendant que je rêve encore
aux grosses mains tachées de peinture sur mes seins.
pendant que je jouis encore
en imaginant un paysage dans le dripping spermatique dans mon lit.
[heading style= »subheader »]31. Turmel 3[/heading]
regardez-la
regardez-les
regardez-les une dernière fois
regardez-les pour moi
fixez leurs yeux concentrés ailleurs
qui ne me regardent pas
perdus dans l’adoration
le souci l’anxiété
quasi manie photographique
analyse du grain de peau
rognure instagramique fini chrome
comme une cage à oiseau du paradis
continuez d’avaler toute
la scène toute la pièce
moi dehors
vos yeux s’immiscent sous leur peau
se voûtent se plient sous l’aine
voudraient les boire cul sec d’un trait
ceux de mon visage
m’effacent dans ma laideur
me crispent d’absence
qu’est-ce qu’il faut dire
pour être regardée
des mots vides des mots cons
des mots d’alcool pis de sexe
qu’est-ce qu’il faire pour être
désirée
être objet oui
être une chose voulue
est-ce qu’il faut tourner
dans le sens du monde
poupée qui danse sans fin
dans la grande boîte à musique
ÇA BOUGE MAIS C’EST MORT
j’aimerais poser
mon regard amputé
le poser violence
dans l’interstice et graver dans
vos yeux de bête piégée
mes pupilles projectiles
mais personne ne me voit
je n’existe pas
qu’est-ce qu’il faut faire
pour attirer l’attention
S’OUVRIR LES VEINES
SAIGNER DE L’HÉRO
VOMIR SA BILE EN SOMMNIFÈRES
SE VIDER DE TOUTE SUBSTANCE
DEVENIR L’ÉCORCE À ÉCORCHER
LA PELURE À ÉPELUCHER
LA PEAU À VENDRE
OU À DONNER
UN MORCEAU DE VIANDE SOUS-VIDE
COMME VOUS COMME EUX
DES ÂMES EN SÉRIE
PRÉFABRIQUÉES
EMBALLÉES INDIVIDUELLEMENT
PRÊTES À PORTER
PRÊTES À SERVIR
PRÊTES À SUBIR
ÉTANCHÉISEZ MON CŒUR
SI C’EST CE QUE ÇA PREND
POUR DÉVIER LA TRAJECTOIRE DU DÉSIR
LE CÂBLER À MES RIVES
NAUFRAGER VOS DÉVORANCES
PLASITIFEZ-MOI
ASCEPTISEZ-MOI OSTI
SI C’EST CE QUE ÇA PREND
vous me regardez maintenant
j’ai pas croisé vos regards
vos yeux vides et pleins et vides
mais ils me regardaient
vous me regardiez
le tressaillement imperceptible des cheveux
la fuite du front vers nulle part
MALAISE
MALAISE GÉNÉRAL DONC
VOUS M’AVEZ REGARDÉE
mais m’avez-vous vue
avez-vous perçu ma détresse
ma folie
toute ma décadence
m’avez-vous vraiment vue
encore encore
ENCORE
je vais vous regarder
jusqu’à ce que vous me voyiez
cuire encore vos rétines sur mon image
brouiller les ondes de l’air
et de la lumière encore
jusqu’à ce que vous me voyiez vous vous
Jusqu’à ce que vous me voyiez être vue
ÊTRE OBJET
enfin être
miroir
[heading style= »subheader »]32. Myriam 6[/heading]
Je suis de ceux qui n’existent pas
du monde oublié dans la marge
Je suis de ceux qui vont aux partys chez Alix
faire la fête dans un appart à St-Roch
de minuit à 6h
Chez Alix on écoute des vieux vinyles
on danse en pieds de bas dans le salon
des shooters de Fireball dans la cuisine
on s’en rallume un sur la terrasse
je finis mon six-pack de Boréale
Chez Alix je n’ai pas de sexe
je m’en câlisse
homme et femme confondus
désirs confondus
Chez Alix entre minuit et 6h
on crie ensemble :
FUCK LE GENRE
(Pis on danse.)