Ce texte a été écrit sous contraintes dans le cadre de la Tentative d’épuisement d’une œuvre de Riopelle tenue au Musée National des beaux-arts du Québec le 5 avril 2013, pendant la Nuit de la création.
Elle Lui
À toute vitesse
Les phares aveuglants
Les phrases envahissantes
Les images épuisées
Je m’enfarge dans les clichés
Piégée
Je m’enrage dans mes idées
Pipées
Le squelette de mes idées
Claque des dents
Mettre de la chair autour de l’os
Pourquoi Rose me rend-elle si macabre?
Les os vides des oiseaux
Avec lesquels on peut faire des flûtes
Et recréer leur chant
Faire partie de leur voilier
Sans pouvoir voler
Mes os aussi sont creux
Vidés de leur moelle
Et moi de ma substance
Plus rien ne danse
Et je pleure
Immobile, silencieuse
Ramer contre le courant
Voler contre le vent
Avoir l’impression d’avancer
Mais rester immobile
Mon bateau prend l’eau
Mes pieds sont mouillés
Taches d’encre noires
Salissant mes ailes de papier
Lourdes sous la noirceur
Goudronnées
Je ne peux plus voler
Les oiseaux dans les cages
Vivants mais morts
Le doigt pris dans l’engrenage
Incapable d’en sortir
Mes mains sur sa peau brûlante
Je ne devrais pas la toucher
Ce n’est pas la bonne
La fille dans mes rêves
N’est pas celle dans mes bras
Une chose en entraîne une autre
Je suis dans son lit
Emporté par la vague malgré moi
Chaque fois, je dis : « Jamais plus »
Les trous, partout
Faire des trous
Dans la terre, avec une pelle
Dans les lauriers, avec un poinçon
Dans mon cœur, avec la vérité
Dans ma mémoire, pour oublier
Son visage rond
Qui sourit, puis pleure
Des ronds mouillés
Sur le papier
Les larmes coulent
Jusqu’à la moelle
Terrorisée, frigorifiée
La nuit tombe
Et m’aveugle
Le givre recouvre mon corps
Mes doigts sont glacés
Jusque dans mes os
Quand le printemps reviendra-t-il?
La neige de printemps
Les oies égarées
Les nuages étirés
Et l’immensité bleue
L’heure tourne
Mes idées aussi
Se battre bec et ongles
Du sang sur les mains
Pour remplacer mes larmes
Rouge sur blanc
Tout fout le camp
Il bouge, l’arc-en-ciel
Alors que la terre tourne
Alors que je marche pour l’atteindre
Toujours il s’éloigne
Inaccessible
Tandis qu’à la queue leu leu
Les oies vont à l’abattoir
Le chemin vers son trésor
Est à la fois devant
Et derrière lui
Taper sur le clou
Avec un marteau
Fort pour que ça entre
Trop fort : le crâne fendu
Arracher les clous
De la même façon
Arracher le cœur
Tourner en rond
Après un long voyage
Revenir à son point d’origine
Là où j’ai dansé
Pour la première fois