Ce matin, le temps nous a fait don de ses plus belles heures de lumière, d’un soleil vulnérable qu’une délicate brise venait tempérer. J’en ai donc profité, la veille d’une courte visite vers le Bas-du-Fleuve, pour errer vers quelques lieux de pèlerinage, armé d’une bouteille d’eau et d’un livre pour les arrêts impromptus. Des songes plein la tête. Quand les idées reçues avec vélocité s’entrecroisent de manière vertigineuse avec les aléas de mes désirs, revisiter ces lieux mille fois arpentés me ramène tout un pan de mon histoire. De retour au Bic pour le plaisir d’y être. Témoin de ces multiples teintes préautomnales pour descendre la longue côte vers Saint-Fabien, j’y arpente le grand rocher sur la grève tout près de la courbe, jusqu’à m’y retrouver prisonnier par une marée montante, les pieds dans l’eau, le temps de quelques prises de photos.

Au lendemain, retour vers le Bic. J’esquisse des schémas, les sources d’inspiration abondent. J’essaie d’agencer tout ça sur mon vieux portable, mais l’inspiration en cavale, l’hélice qui propulse ma protagoniste a une pale manquante. Paraîtrait que c’est moins de trouble quand on se permet l’élan souverain de la spontanéité. Pour vaincre le syndrome de la page blanche, j’ai testé une foule de moyens, mais l’ultime recours, à l’épreuve du temps : de longues promenades aux abords de ce fleuve immense, remède idéal pour saisir ma petitesse dans l’infini de ces grandes nappes d’eau. Ressentir et vivre une paix tout en contraste avec ce monde tant raconté qui valse de guerres en perpétuels drames.  Avec pour trame de fond, la valse des vagues…

Telle une bête de somme munie d’œillères, je trotte comme un nébuleux chenapan dans les prés menant aux grèves, sur les roches, le sable, les algues ou les marais salés, broutant du trèfle, reconnaissant n’avoir aucun savoir sur le monde mystérieux des végétaux de la mer… Obnubilé par ces vastes ciels surplombant les quelques presqu’îles environnantes.

Poussière fugace entre les cils, roches enfouies dans les poches, rayons de soleil évanouis dans la brise, morceau de verre poli, coquillages parmi les rhizomes, que rien ne demeure, sinon le chemin des chemins, le parfum des sentiers, le fleuve des rivières. À mon cœur, ces vastes bleus, firmaments de calme. La plus opaque des offrandes, ce présent jouissif, huile crépusculaire, dans la texture au fond des écumes.