Ne sois pas triste pour moi, bipède.

Lorsque les calottes glaciaires auront fondu,

mes bras s’étendront davantage

sur les terres fertiles que tu as autrefois cultivées.

Sans titre, de la série « Je suis fleuve », par Joan Sullivan

Sans titre, de la série « Je suis fleuve », par Joan Sullivan

Le béluga me quittera un jour,

mais je continuerai à couler

tant que les grandes mers intérieures me nourriront.

J’étais là bien avant que tu fasses tes premiers pas et j’y serai longtemps après ta disparition.

Les événements cataclysmiques ne m’inquiètent plus ; j’en ai survécu à plusieurs. Le réchauffement planétaire n’en est qu’un autre.

Mère Nature durera, même si elle doit se transformer en quelque chose de nouveau et de méconnaissable.

Moi aussi, je serai transformé en un autre type de fleuve, avec moins d’oxygène, des hivers sans glace, et moins de phytoplanctons. Je vais m’adapter.

Toi, non.

Sans titre, de la série « Je suis fleuve », par Joan Sullivan

Tu croyais autrefois que l’humain dominait les milliards d’êtres vivants qui partageaient si généreusement cette planète avec toi.

Mais ton orgueil et ton insouciance ont mis un terme soudain à ton court règne.

Tu ne nous manqueras pas. Tu es juste une autre espèce qui s’éteindra à l’ère de l’homme.

Nous fleurirons sans toi.

Ne sois pas triste pour moi, bipède

Sois triste pour toi-même.