En 2021, pour souligner le centenaire de PEN International, un magnifique ouvrage illustré a été publié en trois langues. Un soir, je l’ai ouvert avec l’intention de le feuilleter au hasard. Page un, page deux, page trois… Après l’avoir tout parcouru, j’ai refermé le livre trois heures plus tard. Je me suis plongé dans les balbutiements du PEN International, une des premières ONG. J’ai suivi son évolution et les grands dossiers : actions sur nombre de territoires, rayonnement et promotion de la littérature, congrès annuels, manifestes. Une histoire extraordinaire… J’ai découvert des images et des textes inspirants, parlants, convaincants d’humanité, engagés pour un monde plus juste. Le combat mené par ces écrivaines et écrivains mobilisé.e.s pour la liberté d’expression est exemplaire.

Celles et ceux qui liront ce livre comprendront d’emblée l’importance de l’engagement. Son impact sera perceptible, même si, chacun pour soi, nous avons le sentiment de pouvoir si peu.

Membre du Centre québécois du PEN International depuis 2012, j’ai travaillé notamment avec Émile Martel, alors président, à la venue du congrès international à Québec, en 2015, lors de l’ouverture de la Maison de la littérature. Je suis devenu ensuite vice-président jusqu’en 2018. J’ai été à même de suivre les grands dossiers de la dixième décennie.

Les 145[1] centres ne sont pas tous d’égales forces. Loin de là… À cet égard, le centre québécois n’a pas les moyens de s’investir dans de lourdes campagnes. Cela ne l’a pas empêché d’accueillir le congrès international ou de s’engager sur plusieurs fronts : les droits linguistiques et la traduction, l’événement annuel Livres comme l’air, la liberté d’expression au Mexique, la défense d’autrices et d’auteurs persécuté.e.s, tel Raïf Badawi (sorti de prison, mais pas pour autant libéré). Les bénévoles qui animent notre centre y croient. Le Comité des femmes, depuis quelques années, fait beaucoup avec peu. C’est énorme.

La liberté d’expression est toujours menacée. Pas besoin d’aller en Russie, en Chine ou dans le golfe persique pour s’en rendre compte. Elle est souvent en question ici, par exemple avec le procès récent de l’auteur Yvan Godbout, la culture de l’annulation, le traitement réservé aux journalistes par des opposants aux mesures sanitaires.

Au cœur de nos démocraties, la puissante percée de la désinformation alimente la crise permanente que vit la liberté d’expression. La multiplication des médias nourrit la fragmentation des points de vue, dont certains émanent d’idéologues peu intéressés par le débat ou le dialogue. Les attaques subies par la véracité des faits en témoignent. Comment désamorcer cette logique délétère? La réponse est complexe. PEN International et le Centre québécois jouent un rôle efficace contre le silence et la contrainte.

On me demande de répondre à une question : « Comment chaque écrivain québécois pourrait, de la manière la plus simple et immédiate, contribuer à rendre plus visible la situation difficile des journalistes, écrivains et écrivaines, ici et ailleurs? »

Vous avez le choix. Aiguiser votre écriture afin qu’elle vise juste. Dénoncer les fausses vérités, écrire des textes militants, que ce soit en fiction ou en poésie, ou encore des textes d’opinion, comme celui-ci. Lire des livres et assister à des spectacles engagés. Et signer des pétitions, en étant membre du P.E.N-Québec ou d’autres associations, telle Amnistie internationale. Quoi d’autre encore…

Un tel degré d’engagement n’est pas tous les jours possible, mais l’effort en vaut la peine. Sinon, les écrivaines et écrivains en danger subissent la peine.

 


 

[1] En mars 2022, selon pen-international.org.