C’est systématique, l’horreur véritable nous précède.

En ce qui me concerne, l’horreur remonte à ma mère, quand elle devait protéger son visage du talon effilé menaçant de s’y abattre. Ma mère, de justesse extirpée des décombres de son enfance avant qu’elle ne connaisse le même sort que ses frères et sœurs, tant haïs qu’ils en sont morts, la peau brûlée dans l’urine et les déjections.

Je suis leur portrait craché, à ce qu’il paraît.

***

Des années plus tard, je m’endors au creux du métal fondu dans l’enfance de ma mère, je m’endors au creux d’un meurtre, des balles et des violences immédiates,
dans les craques du plancher
m’endors, coquerelle
pour m’échapper à moi-même

***

Le film d’horreur est une arme contre la réalité la plus sournoise et terrifiante qui soit, celle qui avance avec le masque du père ou de la mère de l’année
c’est l’épouvante contre le drame social
la violence contre la violence

J’ai conscience d’en beurrer épais dans la pathos, comment faire autrement? Mon cerveau macère dans le café, le monde a allumé son brasier sur ma tête et je flambe, l’hypothèse de mes cheveux flambe, tout flambe tout autour, shitstorm de fruits étrangleurs, maquerelle et sorcière de l’image, je suis la cause de tous vos accidents.

je veux que ça saigne

je ne sais plus de quoi
ni de qui
je cherche à me venger

qu’importe, je m’endors
au creux d’un meurtre, je m’endors
devant la cécité du monde et nos révoltes lévitent
derrière, des enfances corrosives
fonçant tête baissée
là où se meurent nos maléfices

mes doigts
rendus effrayants par leur longueur excessive
se referment sur les cassettes abjurées
grindhouse, nasties et compagnie

une laideur me sépare de mes semblables
et je n’y peux rien, je continue
à m’endormir
au creux d’un meurtre
à suivre la piste hasardeuse des images

***

je place un écran cathodique
entre la violence et moi
j’appuie sur play
monte l’ampli
recouvre l’écho de tout ce qui fuit
par cette fissure dans mon humanité
je me diffame
me flétris
j’expulse mon corps hors de moi
m’abrutis d’angoisse
et change mes stupeurs
en spectacle

***

nous allons sans doute mourir la tête enfoncée dans l’écran
après avoir poignardé la beauté en pleine face
nous deviendrons sourds à la respiration du monde

ne plus rien     plus rien entendre
jamais
de ce qui vient d’en dehors