Debout dans le train plein à craquer qui se rend jusqu’à Gênes, mon sac coincé entre les genoux, je ferme les yeux chaque fois que le wagon s’ébranle, de peur qu’on renverse. Les rails grincent comme les molaires de Lucifer.
Avoir su que le Grand Prix de Monaco se tenait aujourd’hui, j’aurais quitté Nice le lendemain, mais personne ne m’a prévenue. Empêtrée dans la foule à la gare, je n’ai pu acheter ni café, ni journal. La buée qui couvre les hublots m’empêche de voir la mer et les plages de galets sur lesquelles j’ai passé tant d’heures à manger du fromage et à observer attentivement les brusques plongées des cormorans sous l’eau claire et vive.
Nous parvenons à Gênes vers minuit. La plage est déserte, le ciel mauve, je me blottis dans le sable et m’endors. Au réveil, je marche pieds nus jusqu’au Caffè del Tramonto. La terrasse donne sur un petit jardin envahi par les tournesols. Je commande un café et un croissant, m’installe à l’ombre pour rédiger mon journal de voyage. Après quelques instants, un garçon entre. En habitué, il salue la serveuse, s’assoit à l’autre bout de la terrasse et feuillette le journal local en fumant des cigarettes.
Nos regards finissent par se croiser. J’échappe mon crayon. Il accourt pour le ramasser. Nous passons le reste de la journée ensemble, à fumer et à parler sans s’arrêter.
Le lendemain, il m’emmène en barque. Je prends des coups de soleil sur le nez et sur les épaules. Nous mangeons du poisson frit avec nos doigts, buvons du Limoncello. Il me présente à tous comme étant « sa Reine ».
La veille de mon départ, il m’offre une petite médaille en bronze que son grand-père avait remportée, jadis, lors d’un tournoi de bocce. J’imagine que cet objet a de la valeur pour lui.