mes cauchemars se retournent sur leur peau infantile sèment le plancher fendu de mon crâne colmaté j’y ai cru
j’ai oublié tous mes vieux pièges ma guérison boite sans bruit
hier j’ai croqué la lune qu’elle ne soit jamais pleine je refuse ses cadeaux
pensées vives acrobates tissus anxieux œil grand ouvert pour héritage
dans mon lit immature
je rêve d’un sommeil de bois noble
- *
la mort un garde-robe
chambre d’enfance rideaux épais
fermés sur un matin d’avril
la mort une robe de chambre
moche et jaunie
que portait maman
enceinte de moi
mienne maintenant
la mort
sent la soupe Lipton les biscuits soda le bassin de plastique où traînasse une bouillie rance
tout ce qui ne passe pas
ressort aussitôt
la mort mes quinze ans
suffoqués sous mes draps santé
la chair de poule les aisselles moites
après-midis détresse sur les jingles d’Info shopping
visions d’armes et d’artifices comme un accroire
j’y peux quelque chose
la mort un garde-robe où je n’ai pas la force d’entrer
- *
te rappelles-tu
les draps qui voletaient sous les mains de maman nos rires une lame dans l’air chaud tranchant le silence de l’enfance périmée sous la voûte laiteuse la tête soûlée d’assouplissant
notre cosmogonie
- *
nous sommes nées de même couche
avons ouvert les yeux sur le deuil
barreaux de fer crochis par l’effort
portons l’absence autour du cou
médaillon en cadeau
que l’on caresse d’une main tremblante
nous sommes nées
les yeux noirs
tournés vers un autre dehors
- *
elle plie nos nuits de ses mains sèches
range nos rêves de cordes trop courtes au fond du vieux coffre de cèdre
elle nous ramasse
livides et dures
aux lendemains des abandons
balaie sans plainte les restes de lui
à l’heure où elle sourit tu me demandes
lui a-t-elle pardonné
- *
il
aurait pu aurait dû n’est plus là
de toutes ses mains son souvenir se répand sur nos coins de lumières
- *
elle
pleure rit dans un seul souffle
et se déchire élégamment regarde-la
elle est
perpétuelle
- *
je nous observe chuter ma sœur
sur une chaussée tiède et mouillée
notre colère ciment
une maladie congénitale
quand les coups cesseront de voler
que ne résonnera plus le choc
enfin ma sœur dormirons-nous ?
- *
quel temps fait-il à l’ombre des vingt-quatre heures quel temps fait-il
depuis le sucre des mélodies impérissables
sous l’oreiller je t’entends dire la nuit est jeune
mais déjà
nos airs se meurent au creux des draps