Forever 21 vient d’ouvrir au Dix30. Je magasine avec ma sœur. Il me faut des jeans. Ceux achetés il y a quelques mois ne me vont plus. Les coutures menacent de lâcher, aux cuisses, à la taille. Quand je m’assois, un pli de chair se forme au-dessus de la boutonnière. Une boursouflure qui enfle d’une semaine à l’autre.
Je grossis. Mes hanches s’arrondissent, le creux de mes joues se comble. Effets secondaires de la psychothérapie réussie.
La boutique est pleine. Tandis que ma sœur et moi patientons devant la salle d’essayage, je nous compare dans le miroir adjacent. Sa silhouette est pleine et ferme, la mienne immature et flasque. Malgré ses livres de plus, elle paraît svelte, dessinée. Je suis une fausse-mince-molle, une silhouette incertaine difficile à habiller, impossible à habiter.
C’est notre tour. On prend possession de nos cabines spacieuses au parfum neuf. J’enfile des jeans noirs aux jambes fuselées, que je peine à remonter jusqu’à la taille. Je rentre le ventre pour zipper, puis attacher. Le résultat est désastreux : un boudinage sombre.
Derrière le mur mitoyen, ma sœur me demande de sortir. Elle veut voir. Je ne peux pas. Mes jambes épaissies et mon cul comprimé dans le tissu bon marché ne sont pas montrables. Personne ne doit être témoin de mon état graisseux. Je l’entends pousser un soupir de l’autre côté.
À la sortie des cabines, je rends les jeans à la commis. Je me réfugie dans la section des tuniques, histoire de me draper, de flouer au maximum mes contours pour oublier que je ne ressemble plus à rien. Ma sœur vient me trouver, des pantalons noirs à la main, qu’elle me tend. La même paire, une taille plus grande.
– Je suis certaine qu’ils t’iront bien.