La toiture ne finit plus de se décharger. Je sursaute à chaque fois. Assise devant la fenêtre, je suis le mouvement de la chute blanche qui dure, dure et dure encore. Aussi longtemps que le fleuve, inconstant, parcouru d’algues et de glaces.
Si seulement tu savais ce que j’ai envie de faire, là, maintenant. Si tu savais, tu ne serais pas d’accord. Je me réjouis à cette idée. Je m’emporte souvent. Je ne suis pas fâchée. Jamais.
Je t’accumule parmi les autres comme on amasse les hivers douillets pour s’en faire des chapeaux, des fourrures royales mêlées de fierté. Une fierté discordante, détachée de sa voix trompeuse. Tout ce dont j’aurais besoin, ce sont quelques mains posées ici et là. Des petites bouillottes séduisantes qui chaufferaient mon ventre, mon estomac, ma gorge. En dedans, il y aurait des bouillons, de grandes marées de repos brûlants. Je dormirais.
Les accouplements paraissent bien tendres ce soir. Douloureux, mais tendres.
La viande, dit-on, se conserve dans le frais, déposée en lamelles sur la neige par exemple. Moi aussi, j’aimerais m’étendre sur la neige en petites tranches. Tantôt sucrées, tantôt salées, les chairs roses recouvriraient calmement le tableau gelé. Les viandes réussissent à construire des barrières d’existence, des réseaux de maladresses. Grâce à cette fraîcheur, la douleur agit un peu moins. Elle se laisse humer, lécher parfois. Elle est bienvenue.
Ce n’est pas normal de réfrigérer sa propre chair. Mais pour ce que cela signifie.