se souvenir se souvenir de quoi des fois j’aimerais juste m’arracher le cerveau ou me tirer une balle de douze ma cervelle éclatée en mille morceaux irrécupérables ma cervelle smashée comme une belle assiette de porcelaine qu’on crisse à terre sans trop faire exprès mais quand même un peu parce qu’elle vient de la belle-mère ma cervelle en mille miettes à jeter aux oiseaux et aux canards comme du pain voici des fruits des fleurs des feuilles et des branches et puis voici ma cervelle réduite en bouillie rien que pour vous toute ma cervelle concassée pour oublier oui oublier mais comment est-ce possible quand dans un café de la rue Galt Ouest quand à l’université quand dans mon appartement sur la route en direction de la Beauce avec ma famille mes amis pendant un colloque une lecture les souvenirs insidieux épouvantables m’assaillent tels des millions d’éclats de verre de métal qui m’entailleraient la peau et s’enfonceraient dans ma chair les souvenirs toujours les souvenirs tôt le matin surtout la nuit au moment où elle cède peu à peu la place au jour c’est là que je suis le plus vulnérable j’ai alors envie d’appeler ma mère pour lui parler du Publisac et entendre sa voix mon père pour qu’il me rassure quand arrive la barre du jour mon cœur et mon corps sont à vendre pour pas cher ils sont même à donner qui les veut c’est gratuit faites-en ce que vous voulez faut que je pense à signer ma carte de don d’organes c’est quand même ironique la seule fois où je serai éventuellement utile dans ma vie ce sera dans la mort j’aimerais trouver ça drôle mais j’en suis incapable je veux être utile surtout oublier tout oublier prendre tous mes souvenirs les mettre dans un grand sac que je jetterais ensuite dans un fleuve les laisser sur une île déserte ou mieux les faire exploser les dynamiter je veux me dynamiter le cerveau pour finir par oublier on finit par oublier on oublie jamais
on oublie jamais