de toutes les personnes que j’ai eu le malheur de connaître durant le secondaire parce que oui le secondaire c’est juste un grand malheur du début à la fin en tout cas pour moi c’en a été un de toutes les personnes que j’ai connues de tous les morons pas de classe que j’ai eu l’insigne honneur de rencontrer dans ma vie tu es de loin celui que j’ai le plus détesté je t’ai tellement haï si tu savais encore aujourd’hui j’écris ces lignes et la haine me revient implacable indélogeable tu m’as appris la haine gratuite libératrice celle qu’on dirige vers autrui pour la simple et bonne raison qu’il a croisé notre route qu’il se trouve sur notre chemin et que nous l’avons pris pour cible toutes les raisons sont bonnes pour haïr surtout toi en secondaire 1 tu étais juste un jeune écervelé qui passait ses journées à faire le clown et qui avait besoin de se faire rabaisser le caquet peut-être même dompter par des profs qui avaient un tant soit peu d’autorité genre Denis Guay Roger Bélanger paraît qu’il a donné une claque par la tête à Jean-Denis durant un cours de géographie et qu’il s’est fait crisser une pas pire de volée par deux de ses étudiants c’est Frank le frère de Pierrick qui me l’a dit il y a longtemps mais est-ce que c’est vrai une polyvalente c’est une souricière de rumeurs et de bitcheries ou encore Luc Lessard qui pouvait péter des coches solides et qui m’a fait peur en secondaire 1 durant l’examen de français de fin d’année c’était Julie Morin qui nous surveillait et on arrêtait pas de parler de placoter de niaiser elle avait complètement perdu le contrôle de la classe on faisait tellement de bruit que Luc qui surveillait dans la classe d’à côté est entré en coup de vent dans notre local en gueulant comme lui seul savait le faire c’est-à-dire avec les loups il a pris la main de Kevin Carrier qui posait des question insignifiantes comme d’habitude et il l’a rabattue sur son bureau ça devait avoir pincé en sacrifice puis Luc nous a blastés en pas pour rire mettons que ça donnait pas envie de jouer dans sa barbe mais c’était correct qu’on ait des profs plus sévères un peu rough sur les bords du style Bernard Mathieu qui pognait tout le temps les nerfs durant les laboratoires en sciences physiques ça permettait de calmer les nerfs à des énergumènes comme toi mais au fil des ans tu es devenu de plus en plus incontrôlable multipliant les simagrées et les mimiques durant les cours tu te gênais même plus devant les profs une belle pute à attention je pense que tu aurais été game de te crisser à poil juste pour attirer le regard des autres c’est en secondaire 4 que tu as commencé à m’appeler matou comme ça juste pour le fun parce que tu avais décidé que ça se passerait de même et que je serais le punching bag sur lequel tu vargerais tous les jours avant ça tu avais souvent ri de moi tu m’avais niaisé avec Audrey et Guillaume entre autres j’ai toujours trouvé qu’il avait l’air d’une pédale qui s’assume pas comme bien d’autres tu m’avais ridiculisé imitant ma voix mes gestes moi je disais rien je croisais les bras et je bougonnais ou alors je criais la première vacherie qui me passait par la tête et je t’envoyais chier mais toi tu savais que tu m’avais atteint que tu avais visé juste ça fait que tu en rajoutais une couche jusqu’à ce que je pogne les nerfs pour de bon mais à partir du moment où tu t’es mis à tout le temps m’appeler matou ma vie est devenue impossible à vivre déjà que j’avais de la misère à suivre le mode d’emploi là c’était too much j’en pouvais juste plus évidemment on avait plusieurs cours ensemble question de rendre mon calvaire encore moins supportable à chaque jour suffit sa peine et autres maximes à jeter aux vidanges au p. c. tu as ouvert la voie à d’autres à Daniel notamment un autre épais sur toute la ligne qui a passé son secondaire à casser du sucre sur mon dos j’étais sa proie idéale sa cible de choix de prédilection tous les jours en secondaire 4 chaque fois qu’il me voyait il me traitait de matou des fois il disait hey mat comme si un diminutif amoindrissait l’insulte avec son teint basané et ses yeux un peu en amande il avait l’air de sortir d’une famille vietnamienne ou d’un animé japonais un autre taré de la Polyvalente des Abénaquis mais j’étais un peu ambivalent envers lui autant je lui aurais piétiné la face avec des caps d’acier pour tout ce qu’il me faisait vivre au quotidien autant je l’aurais sucé à fond sans rien demander en retour il aurait même pu me cracher dessus et me traiter de grosse chienne qui a pas d’allure j’aurais aimé ça d’aplomb combien de fois je me suis crossé dans ma chambre le soir avant de m’endormir en pensant à lui il était si beau je salivais sur son corps j’étais amoureux de mon tortionnaire hello syndrome de Stockholm une fois dans les vestiaires tous les gars étaient en train de se changer avant le cours d’éducation physique il se promenait à poil comme les autres d’ailleurs puis il s’est planté à côté de moi il s’est plié et il a collé son cul contre ma face j’ai rien dit une fois de plus si j’avais eu plus de couilles j’aurais pu lui sacrer la volée de sa vie celle qu’il méritait comme tous les autres vauriens de son espèce il la méritait encore plus parce que je l’aimais gros salaud son sang aurait revolé sur les casiers ou sur les rideaux de douche tout aurait dépendu du lieu de la bataille ou alors j’aurais dû lui manifester mon amour en lui bouffant le cul et en le rimmant comme il faut devant tout le monde quitte à ce qu’on me batte et me laisse pour mort j’aurais pris mon temps j’aurais dégusté son chocolate starfish qui aurait probablement goûté le sel ou la marde les gars ont parfois de la misère avec l’hygiène corporelle je l’aurais ensuite forcé à m’embrasser pour qu’il goûte à son cul à sa marde chacun son tour salope mais non je n’ai rien fait pour le froisser il a continué de me traiter comme une vielle carpette tout juste bonne pour mettre dans un sous-sol à moitié fini un peu comme le tapis orange qu’on avait chez nous dans la salle de bain il tombait en morceaux mais mes parents voulaient encore le garder il y avait aussi Bruno originaire de Saint-Louis-de-Gonzague il était pas laid dans son genre il appréciait que je l’aide dans les cours d’anglais avec Chantal Morin mais le reste du temps il me traitait comme une sous-merde en m’insultant de toutes les façons inimaginables même les profs l’ont fait venir ou c’était peut-être le directeur je sais plus pour lui demander d’arrêter de m’écoeurer parce que c’était rendu que je disais plus rien dans les cours je travaillais j’étais encore l’étudiant modèle wannabe mais je levais plus la main pour répondre aux questions je prenais même plus la parole j’étais passif désabusé dépassé par les événements par tout ce que je voulais c’était passer à travers 4 période de 75 minutes par jour 5 jours par semaine sans qu’on me fasse trop la vie dure mais bien sûr c’était peine perdue je voulais passer inaperçu me fondre avec les murs disparaître six pieds sous terre mais ça marchait jamais je faisais toujours partie de cette société de ce monde dans lequel je n’arrivais pas à me rendre invisible on me repérait telle une tache de vin rouge sur une nappe blanche et le cirque recommençait matou matou hey mat les rires mêmes pas dissimulés les pointages de doigt les regards complices et moqueurs le harcèlement combien me poursuivaient jusqu’aux toilettes jusqu’à ma case jusqu’à l’autobus que je prenais le soir pour retourner à Saint-Benjamin pour me crier des noms j’ai été intimidé avant même qu’on sache ce que c’est avant même que ça devienne un concept hot mis à l’ordre du jour par sa majesté papale Jasmin Roy et que les gouvernements commencent à financer des programmes de lutte contre l’intimidation et l’homophobie dans les écoles ça m’apprendra à vouloir être avant-gardiste
Par Nicholas Giguère|2018-01-12T16:43:24-05:003 janvier, 2018|En résidence, Nicholas Giguère, Récit, Textes de creation|
À propos de l'auteur: Nicholas Giguère
Né en 1984, Nicholas Giguère termine sa thèse à l’Université de Sherbrooke. Il a publié des textes dans Boulette, Cavale, Le Crachoir de Flaubert, Les Écrits, Le Pied et Moebius. Le recueil Marques déposées a été publié aux Éditions Fond’Tonne au printemps 2015. En mars 2017, il a fait paraître Queues chez Hamac. Un autre ouvrage, Au 5e étage, à l’Envol, est en préparation.