nous nous retrouverons
entre nous
dans le tambour de la durée
escaladerons les solitudes
les courbes de la fuite
nous nous élancerons naïfs
dans le mouvement perpétuel
éternels comme les vagues
nous ferons fi des signes
de la synchronicité
nous foncerons tout droit
dans un nouveau mur
nous serons ruines
constants chantiers de nous-mêmes
nous nous reconstruirons sans cesse
et dans l’écho de nos chutes
nous retrouverons notre héritage
nous reprendrons la vie
là où nous l’avions laissée
nous remanierons nos consciences
réapprendrons les évidences
ferons tomber les statues de plâtre
les monuments en carton-pâte
nous brûlerons
l’invisible et le mystère
nous aurons besoin de concret
d’y voir clair
de se cogner à la densité du monde
de sentir le frôlement des corps
de se faire toucher, empoigner
nous aurons besoin
que l’ancrage nous donne du souffle
de l’élan
et nous percerons l’éternité
le flux des immanences
les jours de calme plat
la peur nous prend au ventre
des images prémonitoires envahissent nos têtes
nous nous voyons
suspendus dans le courant des choses
incapables de nommer ce qui nous entoure
piégés entre deux abîmes
le silence s’impose suprême
comment délier
ce qui nous précède
de ce qui nous attend
nous ne sommes
ni dedans ni dehors
ni ici ni maintenant
en transit dans nos corps
entre le temps et les spasmes
nos corps restent
murés comme dans un cercueil
l’espoir ne vaut rien
l’aurore est derrière nous
nous n’avons ni l’espace
pour fuir ni pour rester
le vent dans le visage nous rêvons
de retrouver les hivers d’avant
neige nouvelle neige
pour nos yeux vitreux
il nous faudra du souffle
pour revenir au monde
nous aurons besoin que l’espace
déborde de l’horizon
trahisse ses frontières
nous aurons besoin que le temps fuse
de partout
sans limites
que son rythme s’ajuste au nôtre
nous aurons besoin de briser le cycle
d’abolir les compromis
de fouler des terres neuves
nous aurons besoin de vies supplémentaires
et puis d’autres encore
nous en finirons avec l’entre-deux
nous serons seuls ou ensemble
ici ou ailleurs
nous laisserons le passé derrière
et le futur devant
nous deviendrons notre propre legs
les passeurs de nous-mêmes
nous reprendrons possession
de nos instants
changerons le monde
avant de nous y perdre
de ne plus en revenir
le moment venu
nous verrons de la lumière dans les fentes
des reflets sur le plafond
le noir délire des enfants
rejaillira souverain dans nos nuits
nous resterons figés
fragiles incertains
attendant que le ciel s’ouvre
nous verrons poindre les miracles
les instants de feu vierge
le vide au-dessus des mirages
nous attendrons l’heure juste
le dernier instant
avant de basculer à jamais
dans les profondeurs de l’élan
nous nous répandrons comme poussière
cendre renaissante