Je suis assise tout près de l’endroit où mon cœur a chaviré la première fois. Tant de beauté, de calme. C’est ici que je suis tombée en amour avec notre fleuve majestueux. Je le connais depuis mon jeune âge. Il a fallu cette randonnée qui m’a menée ici, sur ce petit banc de la Pointe-aux-Anglais, pour que le miracle se produise.
Il y a une fine couche de neige sur les rochers, le vent murmure une note chaude et douce. Le silence de mon amour commence à percer mes entrailles, des papillons virevoltent en plein hiver. Que se passe-t-il? Une telle émotion envahissante se présente comme un présage d’une aventure à découvrir. Faire honneur à cet éveil marin.
Au fil des jours, je prends bien soin de laisser cette petite étincelle jaillir. J’opte pour l’étude de ce paysage littoral avec ses formes, ses plantes, ses oiseaux, ses invertébrés. Tant de découvertes! Plus j’en apprends, plus je deviens amoureuse de cet environnement magique. J’en fais mon point d’ancrage. Je pars explorer d’autres horizons, mais j’y reviens toujours. Je ne peux plus me passer de cet air salin aux odeurs de varech qui ouvre les poumons, du rivage avec ses rides de plage, des battements d’ailes des eiders qui effleurent l’eau, des couchers de soleil aux teintes toujours renouvelées, tantôt rosées, orangées, rougeâtres ou mauves.
Que dire de cette fois où une magnifique surprise émerge sans prévenir ! Juillet. Cinquantième anniversaire de mon jeune frère. Pour souligner cet événement, les invités ont préparé un discours, un poème, une chanson. Elle, elle s’est invitée subrepticement pour enrichir les vœux conviviaux. D’abord un grand souffle, un grand jet qui sort de l’eau, et puis la voilà! Elle surgit dans toute sa splendeur pour venir s’ajouter au concert de souhaits. Ce clin d’œil du petit rorqual venant du fond de la mer nous apparait comme un signe de notre mère que nous avons enterrée la veille. Elle est là, avec nous, crachant tout son émoi tellement elle est heureuse de revoir ses enfants!
Et depuis, il y a eu tant de moments intenses et émouvants sur mon littoral. Je l’ai appelé « AncrÂge ». C’est ici, chez moi.