Le vent s’agite comme on brasse un martini,

le temps, c’est un peu un cure-dent,

nos caboches, des olives, c’est plus excitant de ce côté-ci,

du côté ivre.

 

Ici, on sent le feu et le courant qui nous pousse des crabes.

Tu ne me croiras pas mais je te jure, il y a le fleuve, là-bas.

Même si tu ne le vois pas, il est là, toujours.

 

Et la brume est une couverture,

viens t’y abrier, je te promets, on est bien.

Ne t’en fais pas, les coyotes que tu entends

ne sont que les voisins autour d’un billard.

 

Derrière le brouillard, il y a une falaise et une église.

Il y a une baie silencieuse et un oiseau qui chante

et qui ne s’arrêtera de chanter que lorsque tu t’assoupiras

dans un sommeil marin : c’est un sommeil au creux duquel

tout te berce. Les vagues, les étoiles, même les sangsues.

 

Ce sont des flots que d’autres ont connus,

de redoutables fjords maquillés de phares

rouge et blanc, d’une paillette virevoltante.

On dit que c’était une résidence solitaire,

difficile, pour les gardiens, pénible,

que si les marins ne voyaient pas les berges

auraient sombré des morts indicibles.

 

Parfois le silence est un meilleur synonyme de l’épave.

Il y en a une à Port-Cartier qui gît à demi-submergée,

tu iras y plonger après la saison des feux, ce n’est pas le fleuve

qui les éteindra. Les fleuves, ça ne tombe pas du ciel.

D’amont en aval il faut revoir le thermostat et se demander

depuis quand il fait si chaud en hiver, depuis quand

décembre peine à nous donner notre neige.

 

Ces talus où nous déboulons sont presque les mêmes

que ceux d’avant et ceux-là sont presque les mêmes

que leurs précédents et encore là,

tout ce qu’il y restera ce sera ce cours d’eau

qui érode en forcené tout ce qui le borde.

 

Il est violent, et pourtant.

 

Pourtant c’est notre berceau, notre sans fin

qui transcende les chiens, puis les humains

et leurs différends, on prend tous le traversier

un jour ou l’autre.

 

Penses-tu que le trou du Rocher fait des clins d’œil

aux âmes plus innocentes et rêveuses

quand on lui demande photogénisme ?

 

Oublies-tu toi aussi que nous avons des bélugas ?

Ébahis, jumelles en main, courir des cétacés

qui eux ne nous cherchent pas.

 

Crois-tu que les goélands des péninsules

nous regardent et nous pointent

comme nous le faisons en passant ?

 

Imagines-tu parfois les fous de Bassan ?