Des tables et des chaises dans une rue fermée à la circulation des voitures. Vu de l’extérieur, le pub Griendel est une longue vitrine dans laquelle le reflet de la terrasse augmente la sensation d’un espace paisible. Le temps s’immobilise. Le vent nourrit et mélange les conversations aux tables. Une pluie fine et suave se fond aux corps sans que leurs rencontres s’interrompent. Une bruine enveloppe les mouvements, les fait valser dans ce lieu à la consistance changeante.
Depuis la disparition de Marie-Ève, Geneviève et moi continuons à nous retrouver au Griendel, buvons une bière, faisons une promenade sur Saint-Vallier jusqu’à la rivière Saint-Charles. Nous parcourons le sentier près de l’eau, puis nous errons dans Limoilou. Nous nous apercevons que certains de nos gestes deviennent récurrents et instinctivement, nous nous reconnaissons semblable à Marie-Ève. Nous exécutons des actions à nous et à elle et nous inventons ainsi des histoires qui traversent et relient notre vie présente et passée.
Nous sentons Marie-Ève en mouvement dans nos bras et jambes. Incarnée en nous, dans une pensée imaginaire. Son absence s’efface dans le naturel exercice de notre corps. La conscientisation réitérée, mémorisée et peaufinée du bonheur se révèle dans la racine des choses. Une liberté de mouvement au sein de laquelle un acte créateur, corporel ou écrit, s’actualise.
En s’appropriant l’essence de Marie-Ève, nous répétons une expérience affective, Geneviève et moi apprenons au fil de nos moments communs une nouvelle identité. La matérialité quotidienne de l’existence nous exerce à notre prochaine création de nous-même.