Ce matin nos sacs pleins de repas surgelés
demandaient asile à notre ventre
nous grimpions dans quelques mensonges
cueillir des bleuets
nos plaisanteries boudaient la gravité
nous rêvions déjà aux après-midis oranges
quand nos chaises se réfugient contre les pupitres
et font résonner l’absence
*
Nous avons rencontré
une nouvelle venue
fillette de notre âge
brodée de plages étrangères
ses veines
ressemblaient aux traversées
barbelées
par-dessus ses côtes
de poubelles
renversées
différents secrets rouillaient
et ne comprenaient pas notre langue
ses mains dépliaient les tanières
chatons immenses de l’oubli
la faim multicolore allongeait ses racines
en elle
chasses au trésor sous ses paupières
*
Première récréation avant-midi au creux des hanches
octobre entre nos os sédentaires
les marelles
vomissaient leurs chiffres
et nos balançoires rendaient fous les nuages
la fillette plantait nos pommiers
dans ses rires
où nous accrochions nos guirlandes d’Halloween
sous ses ongles
les dictateurs de son pays
se pendaient
elle essayait de nous raconter les cabanes imprudentes
construites par ses amis
ses montagnes ses villages enrhumés
de nombreux avions
là-bas
souriaient aux gorges des bombardements
*
En après-midi
ses bégaiements ne nous captivaient plus
nous repoussions l’accolade de son soleil
trop squelettique
pour nous
derrière elle
armées de soupirs
tambours de roulements d’yeux
*
Seule
elle bottait un ballon de soccer
les carrés blancs noirs devenaient des épées
qui engouffraient
les derniers otages de sa famille
ses boucles comme une lumineuse fièvre
un tableau taciturne
elle bottait
ses souvenirs ses cauchemars intraduisibles
ses ecchymoses et leurs cachots froissés
nacrés de haine
seuls
ils coulaient sur ses joues
*
Mais ce soir
après les cours
en silence
nous repensons à elle
imaginons les étoiles
ces grelots cadavériques
fouettant son ciel migratoire