Au milieu de la nuit, il n’y a rien. Rien du tout. Nu it. Le vide. Sidéral, sidérant; que du vent. Entre la courbure affriolante du u et la banalité filiforme du i, une bulle, un univers parallèle, soupe primordiale vidée de ses aliments originels : quarks, antiquarks et gluons transmutés en un bouillon de colère, de regrets, de honte démesurée. Ainsi scindé l’insécable, les atomes de sens évacués, ne reste que le blanc de l’espace, et le gris de l’absence, dans toutes ses nuances; d’ombres.

Impression d’apesanteur, d’orbiter dans une béance piquée de lancinantes réminiscences. Le regard en abîme, suspendu bêtement au théâtre des vies disloquées, forcé dans une funeste farce, condamné à rejouer sans cesse l’acte final : un corps essoufflé, pillé, drapé de crépuscule, figé dans l’immensité de sa frayeur; du bout des doigts, cramponné à une infime particule de lumière, à bout de souffle, les yeux plissés en une ultime prière : retiens-moi! Une larme, une nuée de corbeaux, une âme, éteinte. Et lui, ceint d’une neuve noirceur, d’une indicible douleur.

Il voudrait disparaître, renaître pêcheur, et vider de ses crabes tous les océans du monde.

Disparaître?

Il voudrait voyager jusqu’au bout de la nuit, déjouer la mort, traverser le rideau de pluie – la retrouver. Sur les satins d’une alcôve improbable l’enlacer, jouer à l’amour à en épuiser la vie, puis la quitter enfin, encore, mais immaculé, lavé de son chagrin par la lumière de l’aube.

Disparaître?

Il vacille. Du gouffre de la folie lui parvient l’écho crucifiant du remords. Il n’a pas crié, pourtant, il n’a plus de voix. Son esprit étiolé tangue, bascule, est absorbé tout entier.

Disparaître.

L’abandon a ses vertus. Le métal froid mord sa chair, éphémère, qui de fait meurt, lentement, doucement, violemment; ses particules s’agitent, son cœur s’emballe – la retrouver…

Les silhouettes s’effacent, s’évaporent, la réalité se délite; le temps accélère, décélère, arrête, n’existe plus; n’a jamais existé.

Les lettres valsent, les mots se disloquent, l’alphabet se désagrège : on ne saurait plus écrire sa peine, et dans l’espace d’une nuit, il n’y aura désormais qu’elle, et lui.