On a passé la journée au sous-sol, à peindre mes murs. Ma meilleure amie est arrivée tôt, elle avait hâte. Moi aussi. Hâte de voir disparaître le beige, les frises, les traces d’un passé déjà lointain. Deux gallons de Bétonel « Cratère de lune » plus tard, ma chambre est de plus en plus blanche. C’est une boîte que je veux épurer de tout encombrement. Le vent de la fenêtre ouverte nous aide à poser les couches en accéléré. On se crinque, on se dit qu’on n’arrête pas. On termine aujourd’hui.
Ma meilleure amie lunche d’un bagel au beurre d’arachide. Je mange une saucisse au tofu crue. Et je bois trop de cafés. Dans mon bas-ventre, une constellation intestinale prend vie, me vide, m’épuise. Mes bras tremblent lorsqu’ils soulèvent le rouleau au plafond. Je n’appuie pas assez fort et la peinture me coule dessus. Mes bras lâchent d’un coup. Ma best prend le relais tandis qu’accroupie, je m’occupe du découpage des moulures.
Il est vingt heures quand elle reçoit le coup de fil. Notre gang se demande quand ma best compte venir au party. « Plus tard », elle répond en baissant les yeux, gênée. J’ai comme un pincement. Je n’étais pas au courant pour la soirée. Personne ne m’en a parlé.
Ma best me dit que ça devient difficile pour eux de m’inviter. Ça devient difficile parce que je ne viens plus depuis longtemps. Je dis toujours non. « Non, je suis fatiguée. » Tout me fatigue : les oui, les non, les engagements, les nuits, le vide qui m’entoure et qui me hurle maintenant dans les yeux. Je prends conscience que mon rêve de chambre blanche n’est peut-être pas si lumineux qu’il en avait l’air.
Ma best m’assure qu’elle n’ira pas, au party. Elle restera ici tant qu’on n’a pas fini.