manger
les racines
outre le vent
j’arpente l’invisible terré sous le vide
lieu-dit solitaire
regards orageux d’archanges perdus
au fond des bois
respiration de mes épaules
sale
sale je veux
manger la boue
comme l’enfant jouant dans le sable
eau demain
béante
surprendre mon canot
renversé
j’interpelle mes cris
profil de hanches
mon nez coule
froidure et bouts d’enfances sur la peau
tout se transforme en laine
j’ai peur au fond des lisières
il n’y a pourtant rien au fond des lisières
l’instant originel ne m’appartient plus
lancer le néant en haut de la vie
une chandelle sous la table
quelqu’un l’éteint
ce n’est pas moi ce n’est pas moi
mon ermitage me fait défaut
il faut le retrouver
dans une densité précaire
une voix rampe
sur le recto de mes terres
je descends
dans mes voyages lisses
tonalité de partance
le poids d’une errance sobre
une escorte m’accompagne hors de moi
elle te ressemble
je joue avec les cailloux
trouvés sur un jaune appauvri de soleil
haranguer ma déroute
ma vie
sauvage alentour
comme je la veux
je suis sale
merveilleusement sale
comme l’enfant jouant dans la boue
je suis roche
attentive
à ce qui provient de toi
tu me distrais des chants modulés
de ma quête perceptible du fond
de tonne de ma peau
presse-moi contre le vide fugace
un songe
presque trop
à l’instant
je suis chair et je gruge les branches avec grâce
pour nourrir mes os à l’affût de silence
exaltation inachevable à la cime des arbres
pas de mutation de ma peau
juste un peu la joie sortant de terre
mon nez coule
le Saint-Laurent m’offre ses eaux
je me répands sous mes mascarades
le cortège de mes mères ne répond plus
à l’autre bout du fil de laine
échapper ma naissance
ma vêture enneigée n’aura pas lieu
à moins d’un miracle
j’aborde une seconde de lumière juste
assez pour éponger la page
juste quelques secondes à attendre
la suite est proche au-dedans de là-haut
je m’entasse sous la table
cachette laborieuse
avant d’accomplir un glissement impromptu
je m’entends toute seule
sur le hurlement des bêtes
les loups me regardent
sourient et bavent dans mon esprit
j’aime ce qui se concentre en nous
près des dieux maladroits
qui s’enfargent dans ma mémoire
mon nez coule
je suis sale
je suis boue
c’est bon
mes yeux voyagent sans boussole
je cherche tes jambes dans des ports étrangers
cesser quand
contre la pierre des certitudes
en dépit des âmes qui figent
dans la glaise
je commence à murmurer l’ivresse
ne pas trouver la parole humaine
et pourtant
s’élever malgré
la gravitation innée de l’abysse
j’ai peur des béances
il n’y a pourtant rien au fond des béances
qu’un repli de nous
attablé aux chants des poèmes
revêtir l’espoir étrange
de ne plus savoir
quand
où la félicité
je tombe à genoux
mon nez coule
à nouveau
je désoriente nos corps
dans l’espace incliné vers le ciel
l’Absolu enfin
dans la boue
je suis sale
je suis bien
et les loups nous soulèvent