[information]Ce texte a été lu dans le cadre du Déjectoire, spectacle d’ouverture du Mois de la Poésie, le 1er mars 2014, lors du Printemps des poètes de la ville de Québec.[/information]

Photo_AnaisPalmers

Un rien ne bouge et je m’enroule en moi

 

Rien ne sert de manger

même si c’est bon et si c’est chaud et même si c’est en silence qu’on mâchera nos mots.

 

Rien ne sert de sourire

je tombe quand même.

 

Rien ne sert de sourire.

 

Un tout petit monde s’effrite dans une main

j’aurais voulu décrire cette main.

 

Rien ne sert de pleurer et pourtant

il y a une île qui se dérobe à moi

mon îlot

ma caresse

mon souffle d’émoi.

 

Je vais me manger la tête

je vais me manger.

Rien ne sert de manger de mâcher de pincer de griffer

 

je tombe quand même

dans un autre lieu juste derrière moi

je tombe quand même.

 

Les stores serrés

les fenêtres fendues

nous mangeons les lumières d’une ville.

 

Nous roulons notre sous-sol

dans les fonds vaseux d’une rivière asséchée

les stores serrés.

 

Nous avons laissé le robinet couler

une goutte sur un silence encrassé

les cerveaux en compote

un silence à la fois

 

et tous les silences se meurent

à la fois.

 

Et pourtant…

je n’ai peut-être pas mangé toutes mes têtes

encore.

 

Il y a peut-être

quelque part accroché au bout d’un rideau

un sourire

le long des plis.

Il y a peut-être

de la pâte à meubler les craques des fenêtres

de la pâte à sourire, de la pâte à peut-être

à s’en lécher les stores, à s’en péter les fenêtres.

 

La goutte

re-goutte.

 

Fenêtres brisées

murs confondus

nous léchons nos stores

et ce soir,

 

goutte par goutte

 

nous mangeons nos lumières.