[heading style= »subheader »]Chapitre 1 : La fille qui rêvait d’être belle[/heading]
– Fais-moi confiance.
Sans savoir comment, on en était rendu là. Le fleuve, le romantisme, le gars plus âgé qui croit m’impressionner parce qu’il arbore quelques poils. Le premier baiser, mon premier baiser, un appartement misérable dans le Vieux-Lévis. Moi qui n’ai plus de camisole, mes jambes qui tremblent. Les notions du temps, de la vie et de la mort qui m’échappent. Ma dignité dévêtue.
– S’te plaît Cath.
William m’implore et se lamente comme un martyr. Il voue un tel culte à mes seins qu’ils acquièrent un caractère divin. Pitié! prient ses testicules en chœur. Will paraît si faible sous le poids de ma féminité. Ses lèvres saignent légèrement et ses yeux plissent d’envie. Peut-être que c’est le regard amoureux qu’on m’a tant vanté.
– Come on, fais ça pour moi…
Faire l’amour, j’allais presque oublier. J’enlève ma culotte comme on brandit un drapeau blanc lorsqu’on invite l’ennemi dans son territoire. Il s’insère en moi. Je n’ose pas regarder son engin, la scène m’est déjà suffisamment abjecte. La sensation est à peu près comme je l’avais imaginée. Ça chatouille un peu, c’est inconfortable. On m’a dit que j’y éprouverais du plaisir. On me ment souvent.
Je suis sur le dessus. Je contrôle le moindre grain de beauté de son corps. Si j’accélère, il accélère, si je ralentis, son bassin me suit. William ne s’agite presque pas, je fais tout le travail. Je mène la danse. Il n’a qu’à admirer le spectacle.
Je ne sens presque rien. Je sais que William est en moi, que nous sommes liés par cette extension qui s’étire et se rétracte, mais je sens son corps si loin. J’ai chaud. Je remue mes hanches et mes cuisses et mes bras et ma tignasse rousse. Je lâche des ouhhh et des ahhh comme si j’étais une adulte et que je savais comment on baisait.
Son cœur bat dans sa queue. Il me serre les hanches. Je m’amuse à faire danser mes cheveux. Ils se répandent partout sur la peau laiteuse de ma conquête. William devient roux à son tour. Des points de rousseurs lui poussent sur les pommettes. Du roux partout. Une orgie de roux dans un appartement en carton.
Un soupir couvre la musique. William me pousse à sa droite sous son aisselle. Ses poils me brouillent la vue. Malgré la broussaille frisée qui flatte mes paupières, je peux observer la chambre. Les murs sont beige-brun-jaune, mais je me doute qu’initialement ils devaient être blancs.
– Wow… c’était vraiment ta première fois?
D’un petit hochement ébouriffé, je réponds que oui. Il s’allume une top et la fume à deux pas de son lit, son engin pendant, disgracieux. C’est la première fois que je vois ça. Touffu, courbé vers la droite, un gland gercé, une branche asséchée.
William se tourne et m’ausculte de la crinière aux orteils. Il sourit en contemplant son œuvre. Dévierger une fille, c’est rapporter un trophée de chasse. S’il pouvait empailler mon vagin et l’accrocher sur son mur à côté de ses bongs, je crois qu’il le ferait. Il me lance une boîte de Kleenex.
– C’est pas mal liquide notre affaire, dit-il en pointant la fosse qui me sert d’entrejambe.
Il y a de lui partout. De moi. De ce nous que j’ai créé le temps de son orgasme.
– T’es cute, tu sais?
William se rhabille et me balance ma brassière par la tête. La commissure de ses lèvres rejoint le coin de ses yeux pour former un sourire si grand qu’il semble prêt à m’avaler. Il pourrait bien m’aspirer, me mastiquer et me digérer dix fois que je l’aimerais tout de même. Ses yeux rouges rapetissent à mesure que s’étirent ses lèvres. Son visage n’est plus qu’une paire de lèvres heureuses dessinée sur une bubble head chancelante.
Il me dit que je suis cute… C’est son mot de la fin. Je suis cute comme un chiot, cute comme un garçon qui dit que les filles c’est beurk ou cute comme une fille qui met les souliers de sa mère pour être jolie.
Cute? Ce n’est pas suffisant…
Belle. Oui, voilà ce que je rêve d’entendre.