Ce texte a été écrit sous contraintes dans le cadre de la Tentative d’épuisement d’une œuvre de Riopelle tenue au Musée National des beaux-arts du Québec le 5 avril 2013, pendant la Nuit de la création.
20 h 15
MNBAQ
Tout le monde voit les oiseaux morts tagués sur la toile, les gens connaissent le titre en apparence énigmatique dont on nous dit qu’il est un hommage à la femme du peintre, tous aperçoivent la monumentalité horizontale de l’œuvre étalée sur trois murs (le premier et le central se « lisant » de gauche à droite et le dernier de droite à gauche), et cetera. Ce sont les premières évidences.
Je tenterai de couvrir les autres faits, les plus petits, ceux que l’on met au jour sans ordre précis, sans tentative holistique de description, au gré de notre contact avec l’œuvre.
Je suis sensé être à la table n° 10. J’ai décidé d’apporter ma chaise au :
Premier segment
Particularité
Il fait deux fois la largeur de tous les autres segments. Il faut croire qu’il a plus d’importance ou qu’il doit donner le la du reste de l’œuvre.
Nombres
12 oiseaux – deux dans les ailes d’un plus grand;
5 têtes de canard en bois dont une enchâssée dans un oiseau.
Couleurs
Cuivre, rouge, rosé. Le noir, le vert et le gris sont dominants; des points blancs picotent 4 oiseaux.
Caractéristiques
Une espèce de matière fileuse a été taguée au bas à gauche.
20 h 46
On vient de me remettre un dessin et une phrase le paraphant : « il est inutile de créer sans elle ».
J’ai l’impression qu’il s’agit d’un jeu de mot : « sans ailes », rapport aux oiseaux de Riopelle et à notre exercice. Cassie n’est pas convaincue par mon interprétation…
Le dessin est encore plus énigmatique : au centre, une forme ogivale rayée verte; une espèce d’aile, justement, bien ronde et de même couleur, est soudée à la forme principale; une autre « aile », triangulaire celle-là, fend la forme centrale de ses rayures noires; en-dessous, un cercle rouge a été dessiné; les lettres de la phrase sont grasses et bleues.
21 h 01
Je reviens au segment n° 1 (j’écris lentement)
Inaperçu au premier abord, il y a un 13e oiseau, en gris pâle sur fond blanc, dans la matière laineuse.
L’espace occupé par 3 oiseaux au coin supérieur droit forme un triangle.
Au centre, Riopelle a tagué du noir de loin : les pigments sont espacés.
Entre le premier et le deuxième segment, Riopelle a mis de la peinture sur de la cage à poule et l’a imprimée sur la toile.
Deuxième segment
Nombres
4 oiseaux, 1 petit au cœur de chaque gros;
4 têtes de canard en bois et 1 autre à demi-recouverte;
1 fer à cheval.
Couleurs
Dominante argent, puis brun, noir – et du vert, surtout au bas.
Ce que je croyais être un genre de laine est plus certainement de la peinture étendue à l’aide d’un objet dur et pointu, ce qui donne l’impression de fils.
22 h 07
Troisième segment
Beaucoup d’espace dans ce segment.
Nombre
4 oiseaux. L’un d’eux est mal formé.
Couleurs
Gris/argent, cuivre, orangé, vert dans le coin inférieur gauche. Premier segment où il y a de la peinture acrylique, des points noirs.
On dirait que l’artiste a voulu dessiner les contours d’un oiseau ou d’un extraterrestre dans le vert…
00 h 01
Impossible de finir. Une semaine à raison de 4 heures par jour serait nécessaire pour faire un véritable inventaire. Je n’ai même pas parlé des cercles qui tapissent le deuxième mur à l’exception d’un segment, je n’ai pas évoqué les fougères, l’incursion du métal dans l’organique. Il reste encore beaucoup à faire. Une seule chose a été complétée, parfaitement connue : le nombre d’oiseaux dans l’Hommage à Rosa Luxembourg. J’ai créé deux catégories tout à fait subjectives : ceux tagués en pochoir à la bombe et ceux dessinés : 97.5 fois, des oiseaux ont été étalé sur la toile, et 20 ont été dessinés. Après ça, on dira qu’il n’y a rien d’objectif en littérature…