Ces poèmes ont été écrits sous contraintes dans le cadre du Cabinet des idées reçues tenu au Musée National des beaux-arts du Québec le 30 mars 2012, pendant la Nuit de la création.

 

Contraintes (en ordre d’apparition)

 

–  Espace : Voie lactée

–  Autre contrainte : Écrire avec des fôtes

–  Personnage : Une vieille tordue

–  Mot ou phrase : La kiwi la broucou?

–  À la manière de : Agota Kristoff (Le Grand Cahier)

–  Personnage : Grosse femme laide qui ne sait pas qu’elle ne s’aime pas car en fait elle ê [sic] indifférente.

–  Mot ou phrase : Déferlement de scurilités

–  Mot ou phrase : J’aime toutes les sortes de chats.

–  Thème : Inspiration sur une musique de Mahler

–  Thème : L’homme se suffit-il à la matière?

–  Personnage : Émile Nelligan

 

 

I. La nuit des animaux

 

C’est la nuit des animaux c’est la nuit des

agrégats

perdus

une nuée de perruches en cire

s’écrit en filaments de plumes

puis perd un morceau sur un balcon de bois

par un matin de rhume

 

une boule de pierre

une voix lactée pour

le chat

un miaou qui coule comme sur le dos

d’une vieille tordue

une espèce en voie d’extinction de voix

 

C’est la nuit des animaux c’est la nuit des

âges ingrats

perdus

un tas de ceux qui quittent ce monde ou qui n’en sont

pas

s’écrie en bouillons de broue et de coups

l’histoire du vol plané des kiwis

par un matin de brume

 

une boule en moins

un grand cahier où

le chat

a griffé dans son langage la disparition de l’autre

moi

j’avais dans la gorge un café sans éclat

un rouage de créma

 

 

 

II. Grosse femme laide qui ne sait pas qu’elle ne s’aime pas car en fait elle ê [sic] indifférente.

 

Rien ne laissait présager une contrainte

somme toute

rien ne laissait présager un poème

 

sa vie s’écoulait comme un déferlement de scurilités

pchhhh.

à travers les pores

sa vie se dégonflait

pffff.

et se regonflait

chhhh.

 

 

III. La vie en rouage

 

Ou comment passer outre le motton dans la gorge pour dire que

j’aime toutes les sortes de chats.

 

 

IV. Le musée des beaux-arts

 

Dans l’espace entre deux oiseaux morts

fixés à la bonbonne de Spray

dans les coiffures d’opéra

dans les mots d’amour

dans les résurrections

Sie liebt sich nicht

 

Je fais un saut sans tache

je trace

des contours de plumes sur fond blanc

 

Tu les voyais les oiseaux

tu te figurais les choses

et les animaux

et les cadavres

 

Dans ta tête j’ai fait un saut

je m’attache

il n’y a que des systèmes solaires reliés

où chacun occupe son point

ses dimensions

où l’homme se suffit

se roule en boule de matière

pour se becqueter l’épaule

Er liebt sich

car aimer n’est pas un mot sûr [1]

 

J’étais au musée

et n’en conservais

que nous autres les fous

et Émile Nelligan.

 

 

V. Wrap-up

 

Le fil se perd

le fil dentaire

qui a été attaché par le chat à la patte

de la perruche

 

devant les impressions d’oiseaux

nous sommes restés sans voie.



[1]    Agota Kristof (1995), Le Grand Cahier, Paris, Seuil (Points), p. 34.